Trotsky contre Marx : Le Round Final ? (Sans pic à glace – Suite…)

 

 

Trotsky contre Marx :

Le Round Final ?

 

Un choix cornélien . . .

 

 

 

 

 

 

 

ou . . .

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour en finir avec Trotsky et le trotskysme,

même sans pic à glace !! ( Suite )

 

A la suite de la prolongation de notre débat,

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/11/28/pour-en-finir-avec-trotsky-et-le-trotskysme-meme-sans-pic-a-glace/ 

le camarade Viriato nous a envoyé deux virulents messages en réponse, dont nous extrayons ce long passage, dans la mesure ou il a trait au sujet de fond :

 

Voyons, tu dis:
« Lorsque je pointe le fait que selon Trotsky

« C’est l’ensemble de l’économie de transition qui est considérée sous un rapport global plan-marché… «

Et que selon son avis, c’est la loi du marché qui doit réguler le plan, tu me réponds:

« tu sembles ne pas voir qu’une « économie de transition » n’est pas encore une économie socialiste, quelle est donc une sorte de mélange » »
Tout d’abord, d’où vient cette « citation » complètement tronquée, sortie de tout contexte?
Si c’est de 1923, le seul plan possible en discussion c’est le plan d’industrialisation proposé par Trotsky ou le plan de réduction de l’écart entre les prix industriels et agricoles mis en place par le C.C. en 1923, discuté dans « Cours Nouveau ».
Cela ne pouvait pas être les Plans quinquennaux en 1923, alors pendant la NEP dans sa période la plus nécessaire et efficace. C’est à dire toute l’économie soviétique était régie par …la loi de l’offre et la demande.
Dire que Trotsky aurait pu dire une telle énormité, il faut le prouver. Ce n’est pas en citant un texte de Michel Pablo qui ne fait que reproduire des discours très antérieurs à la planification des années 1930 et après qu’on peut honnêtement l’accuser de confondre la planification socialiste et la loi du marché. Et même s’il l’a dit je n’en sais rien, il faut analyser le contexte, l’opportunité, voir s’il l’a établie comme un principe de la construction socialiste, etc. C’est la seule méthode marxiste.

Mais il ne s’agit pas de cela, il s’agit, pour toi de t’attaquer à l’ombre pour atteindre ce qui n’est pas. T’attaquer à ton image de Trotsky, non à ce qu’il a vraiment écrit, tu ne l’as jamais lu sérieusement, pour t’attaquer aux groupes qui se prétendent, à tort, trotskistes, en France.

C’est une « méthode » qui dure depuis longtemps et dont le seul résultat a été la liquidation de toute pensée marxiste sur n’importe quel sujet ou aspect de la superstructure, soit elle politique, scientifique ou artistique.

Une méthode que je n’ai pas l’intention de suivre car elle est profondément réactionnaire et anti communiste, anti scientifique. Cela ne te suffit pas l’état de la pensée marxiste aujourd’hui? Et là, j’inclus tous sauf de très rares exceptions, et entre les exceptions les trotskistes orthodoxes de Socialist Fight (une poignée) qui depuis cinq ans ont eu la seule position marxiste-léniniste devant chaque problème politique important. Comment comprendre cela? Il est évident qu’il faut chercher la réponse à la question et cela passe par l’étude de Trotsky.

La citation de Lénine, qui d’ailleurs Trotsky présente dans un de ses écrits, la mémoire ne suit plus, est exactement ce qui existait en URSS à l’époque de la discussion qui t’as mis au sommet et comme Deus ex machina de tout. Cela montre le caractère complexe de l’économie soviétique d’où elle n’est jamais vraiment sortie. elle a pu approfondir tant le capitalisme d’Etat et les formes socialistes, les autres formes n’ont jamais vraiment disparue et même elles sont restées potentiellement latentes et si présentes que depuis Khrouchev elle se sont imposées et finit par dominer l’ensemble de la société, c’est la restauration Khrouchovienne, à peine freiné politiquement par Brejnev, sans toucher aux forces internes qui la poussaient, surtout, et pour cause, au pouvoir et à la gabegie croissante de la bureaucratie, pour dépasser toute barrière et avec Gorbatchev, dont son C.C. était plein de anti communistes et même des mystiques ouvertement anti soviétiques.

Le compte de fée de 1956 sorti de nulle part est bon pour des imbéciles, je sais que tu ne le penses pas, mais ce que tu ne vois est la continuité logique, politiquement complexe, entre la ligne de Boukharine, les zig zags ultra gauchistes de Staline, la consolidation après guerre que lui même n’a pu combattre dans l’intérêt d’une partie de la bureaucratie, et l’inflexion marquée dans le sens du capitalisme à partir de Khrouchev jusqu’à Gorbatchov.

Je passe à un autre point.
La citation de « Pablo » (Michel Pablo, révisionniste du trotskisme pour être plus clair) se réfère naturellement à la période de 1923 et a une pertinence pour cette période et naturellement je la trouve juste. Le plan (le plan d’industrialisation) s’inscrit dans la NEP qui est régulé par la loi de l’offre et la demande. voilà tout le sens de la citation et elle ne peut pas être plus correcte vu le contexte et la date.
Bien sur, si tu veux la faire jouer dans tout contexte ou lors de l’industrialisation et le plan quinquennal, hors contexte, comme c’est l’habitude de tous les trafiquants métaphysiques, que est-ce que je peux? On fait d’un non-sens, une absurdité majeur. Mais si c’est tout la « force » d’un tel « argument », permette moi de m’en moquer.

Sur la stabilité monétaire. Encore un argument de Trotsky. Dans quelle sens? Tout simplement pour dire que sans stabilité monétaire il est impossible de bâtir une économie et/ou de mesurer ses résultats, si je cite exactement, mais il me semble que c’est le sens, je n’ai pas le livre à la main. encore une idée élémentaire « transformée » par les soins de l’aveuglement et des préjugés en pièce à charge.

Tout le reste est de la même eau. Des citations hors contexte, hors date, hors lieu.

En fait la loi du marché a agit dans la société soviétique dès le début jusqu’à la fin, voir Sapir.
La relation entre démocratie ouvrière et planification centralisée, qui n’existait pas en URSS, est cité …on ne sait pas dans quel but, mais elle est centrale et la démocratie au Parti et dans les syndicats (les soviets avaient disparu) c’est une revendication élémentaire pour un communiste. Et pas que cela, une condition nécessaire pour éviter le gaspillage, la gabegie et le vol ouvert de et par la bureaucratie. tout cela, aujourd’hui ce sont des faits vérifiables et constatés tant par les trotskistes qui les ont dénoncé en premier, comme par toute sorte d’économistes, soviétiques, russes, et autres.

Mais tu peux toujours effacer la réalité avec un doigt et tonner contre les « trotskistes » et la propagande réactionnaire qui naturellement en profite, mais parce que la réalité le lui permet. Je te signale que les ML un temps caractérisaient l’URSS de « fasciste » et le régime de « capitalisme d’état ». Deux caractérisations erronées bien sur car il s’agissait d’un socialisme très déformé, dirigé par une bureaucratie corrompue et il ne peut pas avoir « fascisme » où il n’y a pas capitalisme. C’étaient tous des « agents de la propagande capitaliste » les ML qui se trompaient? Avec de tels catégories tu finis dans les escadrons de Iejov.

Tu te prends d’un bout de citation tronquée, fait par un autre, tu le généralises à ta guise, et tu « triomphes » de ta propre construction absurde. C’est la facile, cela permet de se passer de tout étude sérieux et de proclamer pour une poignée de personnes toutes confuses sur un tas de questions, incapables de s’unir même pour faire un hommage à la Révolution d’Octobre, la « mort » du trotskisme…de Trotsky aurait-il fallu dire, car le trotskisme, toi même ne serez capable de la définir sérieusement car c’est comme les ML…c’est qui, c’est quoi? …on n’en sait rien. Le duc de Rivas aurait dit avec son Don Juan « Los muertos que vos matasteis, gozan de buena salud! » (Les morts que t’as tue, jouissent d’une très bonne santé!)

En fait t’as voulu t’épargner la lecture interdite, le tabou entre les tabous, avec une pirouette rapide, faite à la n’importe comment par peur du travail de recherche de la vérité et de ses possibles conséquences.

La dernière citation de 1932, à un moment où le premier plan quinquennal ne faisait que commencer au milieu d’une désorganisation énorme et au milieu d’une collectivisation forcée qui avait envoyé l’agriculture soviétique par terre grâce à l’ignorance et l’imprévision des Boukharine-Staline, donne des conseils logiques pour diminuer l’ultra gauchisme volontariste du premier plan (qui d’ailleurs n’a pas été réalisé comme on le sait maintenant) en proposant la stabilité du rouble, ce qui est la moindre des choses.
Après il dit  (la régulation doit se faire ») « non seulement à travers les déterminations statistiques des planificateurs mais aussi par le marché » qui d’ailleurs c’est ce qui s’est réellement passé (voir Sapir encore) à une époque où l’on venait de sortir de la NEP; où il en restaient beaucoup de survivances et où la disproportion entre les souhaits volontaristes et la réalité de l’économie soviétique provoquait des terribles gaspillages, désorganisation et autres phénomènes du même genre; c’était un moyen d’arrêter un peu la course vers un véritable « super industrialisme » bureaucratique dirigé d’un haut et ayant comme tout règle, le volontarisme. Peut-etre une erreur de perception, mais nullement ce que tu lui prêtes de manière complètement disproportionné.

Accuser Trotsky de « révisionniste  » parce qu’il a pu se tromper dans une recommandation critique d’une période inédite (si c’est le cas, il faudrait voir vraiment ce qu’il a écrit quand il a résumé la question dans « La Révolution Trahie » que je n’ai pas sous mes yeux) c’est ne pas savoir ce qui a signifié le concept dans la littérature marxiste et dans l’historie du mouvement ouvrier. La nouveauté de l’accusation montre aussi son caractère farfelu car ses ennemis l’auraient trouvé déjà bien avant, sauf si Luneterre aspire au « marxisme créateur » de son inspiratuer (la faute est volontaire).
il passe bien sur, à l’accusation classique d’ultra gauchisme ce qui est encore faux dans l’état de mes recherches. Ses épigones naturellement peuvent bien porter ce chapeau, mais pas tous, car, pas tous ont tombé sur ce péché; et c’est bien cocasse que l’accusation vienne de la part de ceux qui  ont promu et participé a toutes les aventures gauchistes qui ont succédé dans cette planète. Et je ne fais pas le compte, il est trop long.
Comme disait l’autre « celui qui est livre de faute, qui lance la première pierre! » Car, des révisionnistes ont été la suite contraire mais également logique des staliniens, eux mêmes divisés en un courant centriste et une autre de droite, tous les deux consciemment contre révolutionnaires à la fin de leur parcours.  N’en parlons pas des ML, où l’on trouve parfaitement tout, et son contraire. Depuis les ouverts collaborateurs de l’impérialisme US, la fermeture de l’ambassade « ML » chinoise dans le nez des ML s chiliens jusqu’au aventures gauchistes car « la situation est excellente » pour qu’une fois que leur leader s’est trouvé en prison, « la situation est devenue toute différente ».

Le fait est que la crise de la pensée et de l’action des marxistes-léninstes exige tout d’abord l’étude, en deuxième l’honnêteté et pour finir un peu de modestie et de travail.

V.

 

Ce à quoi nous avons répondu :

 

Bonjour, camarade

Lorsque j’ai abordé la question de comprendre quelles étaient les conceptions économiques de Trotsky, il serait effectivement faux de prétendre que je n’y avais aucun préjugé. En réalité, mon préjugé était le suivant : Trotsky se pose en leader de l’ « Opposition de gauche », qui était supposée hostile à la NEP, comprise comme forme de retour au capitalisme.

En toute logique je supposais donc que telle était sa position primitive avant qu’il n’en change, vers le milieu des années 20. C’était, dans mon jeune temps, la version la plus courante de l’histoire…

Or j’ai donc découvert, au départ de cette nouvelle recherche, que l’on nous présente désormais Trotsky comme un précurseur de la NEP, et même carrément son inventeur, dans la plupart des versions « modernes » de l’histoire !

Cela est même supposé se trouver dans un texte au demeurant tout à fait « mythique » (introuvable, en fait!) de 1920…

Alors que le principe économique en avait déjà été défini par Lénine en 1918, quoi qu’il en soit… !

Sur l’infantilisme « de gauche » et les idées petites-bourgeoises

https://tribunemlreypa.files.wordpress.com/2014/01/1918_lc3a9nine_sur-linfantilisme-de-gauche_.pdf

Déjà, donc, ici, plusieurs niveaux de distorsion entre légende et réalité…

Et en fin de compte, le texte de Pablo-Raptis, conservé dans les archives de la LCR, http://www.lcr-lagauche.be/cm/index.php?view=article&id=879:sur-les-conceptions-economiques-de-leon-trotsky&option=com_content&Itemid=53

est la seule étude réellement consacrée à ce sujet, que l’on arrive à trouver sur le net…

Présentant quasiment Trotsky en partisan du « socialisme de marché », il allait donc tout à fait contre mes préjugés sur la question…

Pourtant, aussi bien en suivant mes propres recherches que les traces indiquées par Pablo, c’est bien le leitmotiv de la primauté du marché comme moyen de régulation du plan qui apparaît à de nombreuses occurrences, dans les textes de Trotsky et quelle qu’en soit l’époque, à partir des années 20. C’est même l’un des leitmotiv de sa critique économique du stalinisme, et jusqu’à ses derniers textes sur le sujet. Y compris dans sa « révolution trahie », mentionnée par Pablo à ce titre, du reste, et ce qui est assez net dans sa partie IV, notamment.

https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/revtrahie/frodcp4.htm

Cela suffit-il pour le catégoriser « partisan du socialisme de marché », comme le fait Pablo ?

Le problème est qu’on ne voit pas qu’il affirme aussi clairement d’autres solutions pour la période de transition, même si sa revendication concernant ce principe reste ambigüe.

Peut on en déduire une position fondamentale sur cette moyenne de ses avis émis sur la question ?

Incontestablement, c’est la démarche que fait Pablo, et qu’il revendique même on ne peut plus clairement.

C’est en ce sens que la démarche politique du courant pabliste peut apparaître réellement comme « trotskyste orthodoxe », n’en déplaise aux autres factions…

De plus, le pablisme bénéficie potentiellement de l’autorité historique de son leader, Michel Raptis/Pablo, comme l’un des pères fondateurs de la pseudo- « IVème Internationale » à Périgny, en 1938, et donc dans la proximité directe de Trotsky.

Même si cette autorité « historique » n’a pas suffit à le protéger de l’ostracisme, et assez paradoxalement, pour « révisionnisme » au sein du trotskysme, par ses congénères modernes, elle ne peut-être tout à fait négligée dans notre quête de la compréhension de la pensée économique de Trotsky.

En réalité, et comme on va le voir, au delà de ses propres contradictions sur le sujet, et même lorsqu’il prétend éclaircir radicalement sa position quant au fond, Trotsky cultive, pour le moins, l’art de la manipulation…

Cela ressort nettement dans la partie III de sa « révolution trahie », https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/revtrahie/frodcp3.htm

où il aborde, mais sans les nommer explicitement, et pour cause, les principes économiques définis par Marx dans sa Critique du Programme de Gotha, pour la période de transition.

En effet, savoir si ces principes s’entendent ou non dans une économie de marché, fait, pour le moins, une différence considérable, et même une différence de nature de classe, en réalité.

Ce que Marx nous y explique :

 » Ce à quoi nous avons affaire ici, c’est à une société communiste non pas telle qu’elle s’est développée sur les bases qui lui sont propres, mais au contraire, telle qu’elle vient de sortir de la société capitaliste  ; une société par conséquent, qui, sous tous les rapports, économique, moral, intellectuel, porte encore les stigmates de l’ancienne société des flancs de laquelle elle est issue  . Le producteur reçoit donc individuellement – les défalcations une fois faites – l’équivalent exact de ce qu’il a donné à la société. Ce qu’il lui a donné, c’est son quantum individuel de travail. Par exemple, la journée sociale de travail représente la somme des heures de travail individuel  ; le temps de travail individuel de chaque producteur est la portion qu’il a fournie de la journée sociale de travail, la part qu’il y a prise. Il reçoit de la société un bon constatant qu’il a fourni tant de travail (défalcation faite du travail effectué pour les fonds collectifs) et, avec ce bon, il retire des stocks sociaux d’objets de consommation autant que coûte une quantité égale de son travail. Le même quantum de travail qu’il a fourni à la société sous une forme, il le reçoit d’elle, en retour, sous une autre forme  .

 

C’est manifestement ici le même principe que celui qui règle l’échange des marchandises pour autant qu’il est échange de valeurs égales. Le fond et la forme diffèrent parce que, les conditions étant différentes, nul ne peut rien fournir d’autre que son travail et que, par ailleurs, rien ne peut entrer dans la propriété de l’individu que des objets de consommation individuelle. Mais pour ce qui est du partage de ces objets entre producteurs pris individuellement, le principe directeur est le même que pour l’échange de marchandises équivalentes  : une même quantité de travail sous une forme s’échange contre une même quantité de travail sous une autre forme.

 

Le droit égal est donc toujours ici, dans son principe… le droit bourgeois, bien que principe et pratique ne s’y prennent plus aux cheveux, tandis que l’échange d’équivalents n’existe pour les marchandises qu’en moyenne et non dans le cas individuel.

 

En dépit de ce progrès, le droit égal reste toujours grevé d’une limite bourgeoise. Le droit du producteur est proportionnel au travail qu’il a fourni  ; l’égalité consiste ici dans l’emploi du travail comme unité de mesure commune. »

Il est clair que le principe de répartition préconisé par Marx, au delà de son aspect formel de l’époque, s’entend en valeur-travail, en fonction des quantums de travail socialement nécessaires, et non pas en fonction du marché…

C’est également l’utilisation qu’en fait Lénine, En Septembre 1917, dans son chapitre V de l’État et la Révolution,

https://www.marxists.org/francais/lenin/works/1917/08/er5.htm

où il ne l’interprète donc pas autrement.

Trotsky, selon le même procédé manipulatoire qu’il utilise déjà pour appeler Marx à sa rescousse, cite également ce chapitre V de Lénine, du reste, et donc également sans le nommer explicitement, et pour la même raison, évidemment… !

L’ensemble du passage incriminé :

« L’Etat socialiste, même en Amérique, sur les bases du capitalisme le plus avancé, ne pourrait pas donner à chacun tout ce qu’il lui faut et serait par conséquent obligé d’inciter tout le monde à produire le plus possible. La fonction d’excitateur lui revient naturellement dans ces conditions et il ne peut pas ne pas recourir, en les modifiant et en les adoucissant, aux méthodes de rétribution du travail élaborées par le capitalisme. En ce sens précis, Marx écrivait en 1875 que « le droit bourgeois… est inévitable dans la première phase de la société communiste sous la forme qu’il revêt en naissant de la société capitaliste après de longues douleurs d’enfantement. Le droit ne peut jamais s’élever au-dessus du régime économique et du développement culturel conditionné par ce régime « .

Lénine, commentant ces lignes remarquables, ajoute: « Le droit bourgeois en matiere de répartition des articles de consommation suppose naturellement l’Etat bourgeois, car le droit n’est rien sans un appareil de contrainte imposant ses normes. Il apparaît que le droit bourgeois subsiste pendant un certain temps au sein du communisme, et même que subsiste l’Etat bourgeois sans bourgeoisie! »
Cette conclusion significative, tout à fait ignorée des théoriciens officiels d’aujourd’hui, a une importance décisive pour l’intelligence de la nature de l’Etat soviétique d’aujourd’hui, ou plus exactement pour une première approximation dans ce sens. L’Etat qui se donne pour tâche la transformation socialiste de la société, étant obligé de défendre par la contrainte l’inégalité, c’est-à-dire les privilèges de la minorité, demeure dans une certaine mesure un Etat « bourgeois », bien que sans bourgeoisie. Ces mots n’impliquent ni louange ni blâme; ils appellent seulement les choses par leur nom.

Les normes bourgeoises de répartition, en hâtant la croissance de la puissance matérielle, doivent servir à des fins socialistes. Mais l’Etat acquiert immédiatement un double caractère: socialiste dans la mesure où il défend la propriété collective des moyens de production; bourgeois dans la mesure où la répartition des biens a lieu d’après des étalons capitalistes de valeur, avec toutes les conséquences découlant de ce fait. Une définition aussi contradictoire épouvantera peut-être les dogmatiques et les scolastiques; il ne nous restera qu’à leur en exprimer nos regrets. »

Pour un marxiste, et pour « appeler seulement les choses par leur nom », comme nous y invite Trotsky lui-même, ce procédé manipulatoire s’appelle typiquement « révisionnisme » !!

Quant aux « contradictions » absurdes de ce révisionnisme trotskyste, nous ne devons effectivement être nullement « épouvantés » à l’idée de les dénoncer, et le faire sans le moindre « regret », sauf, à la rigueur celui de ne l’avoir pas fait plus tôt, mais mieux vaut tard que jamais…

De plus, dans une économie de marché, ce qui joue le rôle régulateur, d’un point de vue analytique marxiste, c’est bien sûr la loi de la valeur, et non la loi du marché, basée sur l’offre et la demande.

https://tribunemlreypa.files.wordpress.com/2017/07/marx-capital-livre-iii-chapitres-9-et-10.pdf

Cette seule inversion du rapport dialectique entre les deux lois, régulièrement mise en avant par Trotsky, constitue une révision fondamentale de la démarche marxiste, aboutissant à revendiquer, même si sans la nommer explicitement, et pour cause, la « main invisible du marché » !!

Même s’il n’a pas osé développer ouvertement de manière théorique une telle inversion de la dialectique marxiste, en dépit de la pratique courante qu’il en faisait, il l’a néanmoins intégré, de facto, dans son exposé sur le marxisme de 1939.

https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1939/04/lt19390418b.htm

En effet, son exposé pourrait paraître entièrement correct, comme résumé, s’il n’y avait ajouté ce très révélateur « raccourci »… :

« En acceptant ou en rejetant les marchan­dises, le marché, arène de l’échange, décide si elles contiennent ou ne contiennent pas de travail socialement nécessaire, détermine ainsi les quantités des différentes espèces de marchandises nécessaires à la société, et, par conséquent, aussi la distribution de la force de travail entre les différentes branches de la production. »

En effet, en vertu de quoi le marché serait-il la détermination du travail socialement nécessaire ?

Si l’on remonte à la source de la définition de la valeur-travail, il est clair que si la notion de valeur apparaît au cours de l’échange, avec la notion de quantum de travail socialement nécessaire, elle ne fait effectivement qu’apparaitre à cette occasion, bien qu’elle lui pré-existe, évidemment, comme travail d’utilité sociale, créateur à la fois de valeur d’usage et de valeur d’échange.

C’est même ce qui occupe l’essentiel des premiers paragraphes du chapitre 1 du Capital. Pour nos lecteurs qui ne connaitraient pas l’histoire, voici un passage, parmi tant d’autres, ou Marx exprime cette idée de façon particulièrement imagée :

https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-I-3.htm

« Une mesure appliquée aux marchandises en tant que matières, c’est-à-dire en tant que valeurs d’usage, va nous servir d’exemple pour mettre ce qui précède directement sous les yeux du lecteur : Un pain de sucre, puisqu’il est un corps, est pesant et, par conséquent, a du poids ; mais il est impossible de voir ou de sentir ce poids rien qu’à l’apparence. Nous prenons maintenant divers morceaux de fer de poids connu. La forme matérielle du fer, considérée en elle-même, est aussi peu une forme de manifestation de la pesanteur que celle du pain de sucre. Cependant, pour exprimer que ce dernier est pesant, nous le plaçons en un rapport de poids avec le fer. Dans ce rapport, le fer est considéré comme un corps qui ne représente rien que de la pesanteur. Des quantités de fer employées pour mesurer le poids du sucre représentent donc vis-à-vis de la matière sucre une simple forme, la forme sous laquelle la pesanteur se manifeste. Le fer ne peut jouer ce rôle qu’autant que le sucre ou n’importe quel autre corps, dont le poids doit être trouvé, est mis en rapport avec lui à ce point de vue. Si les deux objets n’étaient pas pesants, aucun rapport de cette espèce ne serait possible entre eux, et l’un ne pourrait point servir d’expression à la pesanteur de l’autre. Jetons-les tous deux dans la balance et nous voyons en fait qu’ils sont la même chose comme pesanteur, et que, par conséquent, dans une certaine proportion ils sont aussi du même poids. De même que le corps fer, comme mesure de poids, vis-à-vis du pain de sucre ne représente que pesanteur, de même, dans notre expression de valeur, le corps habit vis-à-vis de la toile ne représente que valeur.

Ici cependant cesse l’analogie. Dans l’expression de poids du pain de sucre, le fer représente une qualité naturelle commune aux deux corps, leur pesanteur, tandis que dans l’expression de valeur de la toile, le corps habit représente une qualité surnaturelle des deux objets, leur valeur, un caractère d’empreinte purement sociale.

Du moment que la forme relative exprime la valeur d’une marchandise de la toile, par exemple, comme quelque chose de complètement différent de son corps lui-même et de ses propriétés, comme quelque chose qui ressemble, à un habit, par exemple, elle fait entendre que sous cette expression un rapport social est caché. »

Ce qu’il synthétise, un peu plus loin, de manière plus abstraite, mais sans la moindre ambiguïté :

« 4. Ensemble de la forme valeur simple.

La forme simple de la valeur d’une marchandise est contenue dans son rapport valeur ou d’échange avec un seul autre genre de marchandise quel qu’il soit. La valeur de la marchandise A est exprimée qualitativement par la propriété de la marchandise B d’être immédiatement échangeable avec A. Elle est exprimée quantitativement par l’échange toujours possible d’un quantum déterminé de B contre le quantum donné de A. En d’autres termes, la valeur d’une marchandise est exprimée par cela seul qu’elle se pose comme valeur d’échange.

Si donc, au début de ce chapitre, pour suivre la manière de parler ordinaire, nous avons dit : la marchandise est valeur d’usage et valeur d’échange, pris à la lettre, c’était faux. La marchandise est valeur d’usage ou objet d’utilité, et valeur. Elle se présente pour ce qu’elle est, chose double, dès que sa valeur possède une forme phénoménale propre, distincte de sa forme naturelle, celle de valeur d’échange ; et elle ne possède jamais cette forme, si on la considère isolément. Dès qu’on sait cela, la vieille locution n’a plus de malice et sert pour l’abréviation. »

 

En réalité, c’est bien toute la phrase de Trotsky qui est un condensé de plusieurs négations des fondamentaux du marxisme, mais pour la partie que nous venons d’examiner, voyons les conséquence que Marx considérait, immédiatement à la suite dans son texte, en son temps, pour ce type de falsification :

 

« Il ressort de notre analyse que c’est de la nature de la valeur des marchandises que provient sa forme, et que ce n’est pas au contraire de la manière de les exprimer par un rapport d’échange que découlent la valeur et sa grandeur. C’est là pourtant l’erreur des mercantilistes et de leurs modernes zélateurs, les Ferrier, les Ganilh, etc. [22] , aussi bien que de leurs antipodes, les commis voyageurs du libre-échange, tels que Bastiat et consorts. Les mercantilistes appuient surtout sur le côté qualitatif de l’expression de la valeur, conséquemment sur la forme équivalent de la marchandise, réalisée à l’œil, dans la forme argent ; les modernes champions du libre-échange, au contraire, qui veulent se débarrasser à tout prix de leur marchandise, font ressortir exclusivement le côté quantitatif de la forme relative de la valeur. Pour eux, il n’existe donc ni valeur ni grandeur de valeur en dehors de leur expression par le rapport d’échange, ce qui veut dire pratiquement en dehors de la cote quotidienne du prix courant. L’Ecossais Mac Leod, qui s’est donné pour fonction d’habiller et d’orner d’un si grand luxe d’érudition le fouillis des préjugés économiques de Lombardstreet, — la rue des grands banquiers de Londres, — forme la synthèse réussie des mercantilistes superstitieux et des esprits forts du libre-échange. »

A tous ces mercantilistes antiques, il nous faudra donc ajouter, désormais, le révisionniste Léon Trotsky !!

Mais pour mieux comprendre ce qui motive une telle négation, reprenons l’ensemble de la phrase de Trotsky pour en examiner la suite :

 

« En acceptant ou en rejetant les marchan­dises, le marché, arène de l’échange, décide si elles contiennent ou ne contiennent pas de travail socialement nécessaire, détermine ainsi les quantités des différentes espèces de marchandises nécessaires à la société, et, par conséquent, aussi la distribution de la force de travail entre les différentes branches de la production. »

En quoi le marché détermine-t-il ce qui est nécessaire à la société ?

Alors qu’il n’a manifestement pour fonction que de répondre à des besoins solvables, qu’ils soient d’une utilité sociale réelle ou simplement la pure fantaisie du consommateur, généralement manipulée, du reste ! Ici encore, il y a une fonction prétendument « sociale » du marché qui nous est refilée en douce comme principe de base à prendre en compte dans cette idéologie pseudo- « marxiste », alors qu’elle n’est au mieux qu’incidente et nullement déterminante, en tout état de cause. Un « résumé » pour le moins très orienté, donc, et bel et bien dans un sens révisionniste !

Mais ce n’est pas tout, car c’est bien sûr « en conséquence », selon cette fonction « sociale » que selon l’auteur s’effectue « la distribution de la force de travail entre les différentes branches de la production. »

Il est clair que si, par le moyen du sacro-saint marché, « la distribution de la force de travail entre les différentes branches de la production » s’effectue en fonction des besoins sociaux, point n’est besoin d’autre plan que le marché lui-même, et il conviendrait donc effectivement de l’encourager, à la manière révisionniste de Trotsky ou d’autres réformistes sociaux-démocrates…

Bonjour la « révolution permanente » !!

Luniterre

 

 

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COMPLEMENT D’INFO :

Comme il a été précisé à plusieurs reprises au cours du débat, il nous a paru juste, et surtout d’un point de vue marxiste, de le concentrer sur les questions économiques et les principes économiques qui ont été mis en œuvre et en débat au cours de l’histoire de l’URSS.

La question des débats et conflits dans les superstructures politiques n’est déterminante que dans la mesure où elle influe sur la transformation des infrastructures économiques, in fine, que ce soit directement ou indirectement.

Pour autant, les questions politiques plus générale ne sont évidemment pas laissées de côté sur TML, et notamment en ce qui concerne l’histoire de l’URSS, bien évidemment, et particulièrement à l’occasion du Centenaire d’Octobre.

 

De sorte que nous avons pu faire remarquer au camarade Viriato que la plupart de ses autres interpellations sur le sujet avaient déjà été traitées dans nos colonnes, et une bonne partie des réponses à ses questions se trouvaient déjà précisément dans l’article publié dès le premier jour d’Octobre sur ce thème, et à la suite duquel se trouvait également une longue liste de références aux articles précédents sur le sujet.

 

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/10/01/1917-2017-octobre-est-la-et-si-le-bolchevisme-etait-encore-une-idee-neuve/

 

Dans un de nos mails en réponse, nous lui en avions mentionné les plus récents, déjà nés de la polémique historique sur ce centenaire. En revoici la liste, et à la suite, d’autres éléments utiles pour comprendre, y incluant ce qui était l’introduction d’un projet d’étude, qui vient d’être effectuée, de par le fait, dans le feu de cette polémique !

Bien entendu, elle nécessitera, ultérieurement une synthèse évitant les redites du débat et augmentée d’un bilan de l’ensemble.

 

Luniterre

 

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https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/08/18/doctobre-a-la-chute-de-lurss-problematique-du-rapport-de-force-et-de-la-superstructure/

 

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/08/14/un-siecle-apres-la-revolution-doctobre-1917-comprendre-lhistoire-de-lurss/

 

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/08/06/de-la-nature-de-classe-de-la-contre-revolution-khrouchtchevienne-nouveau-debat-avec-locf/

 

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/08/05/prix-du-petrole-effondrement-des-cours-et-effondrement-dune-theorie-pseudo-marxiste-leniniste/

 

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/07/15/de-juillet-a-octobre-ou-comment-la-petite-bourgeoisie-voit-les-revolutions/

 

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A ajouter, pour répondre à l’une des objections importantes du camarade Viriato, cet article à peine plus ancien, et qui, au delà de sa présentation humoristique, traite en réalité précisément le sujet de la controverse Boukharine-Preobrajensky, à laquelle il nous renvoie à plusieurs reprises :

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/05/29/e-ou-a-une-seule-lettre-peut-elle-changer-le-cours-de-lhistoire/

L’article originel introductif du sujet :

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/06/17/trotsky-contre-marx-1-objet-et-pertinence-du-propos/

Bien comprendre la nature révisionniste du trotskysme implique de bien comprendre la dialectique marxiste de la loi de la valeur, à la base, et plus encore, la dialectique marxiste de l’interaction entre loi de la valeur et loi du marché, ce qui suppose de disposer d’une traduction correcte de l’œuvre de Marx… A ce propos, le résultat de nos recherches :

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/07/02/marx-capital-iii-9-et10-note-de-lecture-en-marge-de-trotsky-contre-marx/

Pour le lecteur désireux d’approfondir, voici les deux chapitres en question, dans une traduction utilisable :

https://tribunemlreypa.files.wordpress.com/2017/07/marx-capital-livre-iii-chapitres-9-et-10.pdf

Évidemment, relire le tout début du Capital, Livre I, chapitre 1, n’est jamais superflu, et d’autant moins que Trotsky lui-même l’« interprète » à la manière des libéraux « marxiens », comme on l’a vu !

http://inventin.lautre.net/livres/MARX-Le-Capital-Livre-1.pdf

Pour comprendre les fondamentaux économiques de la période de transition, la Critique du Programme de Gotha faite par Marx reste la référence, par sa cohérene avec la loi de la valeur:

https://tribunemlreypa.wordpress.com/marx-marxisme-critique-du-programme-de-gotha-glose-marginale-1-les-fondamentaux-economiques-de-la-transition-socialiste-proletarienne/

Ce qui n’avait évidemment pas échappé à Lénine, à la veille de la Révolutiond’Octobre ! C’était donc en Septembre 1917, au chapitre V de l’Etat et la Révolution :

LENINE Chapitre V L’Etat et la Revolution

 

Ce qui ne l’empêchait évidemment pas de s’adapter aux conditions concrètes :

1918_Lénine_Sur l’infantilisme ‘de gauche’_

Texte écrit à un moment d’accalmie relative de la guerre civile, mais qui ne sera véritablement utilisé qu’à partir du début de la NEP, en 1921. Jusque là, les conditions concrètes changeant à nouveau, ce fut, en raison de l’offensive militaire généralisée des armées blanches, la période dite du « communisme de guerre ». Néanmoins, ce texte atteste de l’importance que Lénine apportait à bien distinguer et comprendre les différentes formes de l’économie soviétique naissante, dont le secteur socialiste restait, malgré les difficultés du moment, le vaisseau amiral, en quelque sorte !

Luniterre

 

 

NDLR : L’ensemble des liens vers les articles sur le sujet, dont les 3 volets du débat, sont désormais regroupés, avec une présentation commune, sous le titre:

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/12/04/le-bloc-et-la-faille/

 

 

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5 commentaires

  1. Pour la période de transition du capitalisme au communisme, voir aussi Marx dans misère de la philosophie (où il montre la nécessité de la planification) : « Donc, si l’on suppose tous les membres de la société travailleurs immédiats, l’échange des quantités égales d’heures de travail n’est possible qu’à la condition qu’on soit convenu d’avance du nombre d’heures qu’il faudra employer à la production matérielle. »
    https://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/06/km18470615e.htm

    Ce qui veut dire, pas d’anarchie et d’échange privé, pas de marché donc…

    Et pour enfoncer le clou du trotskysme, ou du moins, de ses prétentions léninistes, une démolition dans les règles : http://proletaire.altervista.org/marxisme/textes/lenine_trotsky_staline.php

    Puisqu’il faut lire Trotsky et non Pablo, lisons Trotsky.

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