SNOWDEN EN SURSIS… Le premier article, à l’origine du blog…!

Snowden en sursis…

          (publié le 28 Octobre 2013)  

 

        Après plus d’un mois d’errances, Edward Snowden, ce formidable révélateur de la domination de l’impérialisme US sur le reste du monde, a difficilement pu obtenir, fin Juillet, un asile provisoire, et donc précaire, à Moscou. En France, singulièrement, mais dans les autres pays d’Europe également, le quasi-détournement de l’avion du président Moralès, début Juillet, télécommandé directement depuis Washington (N1), a clairement montré les limites de la souveraineté nationale dont nos bourgeoisies locales font pourtant des gorges chaudes à tout propos…

        Fin Octobre, l’actualité de l’affaire Snowden nous a encore rappelé la permanence de la domination US et toute l’hypocrisie de nos gouvernements « démocratiques »…

         Quant au respect du droit humain le plus élémentaire, la situation de Snowden reste une injustice criante, parmi tant d’autres, certes, mais d’autant plus criante qu’on peut difficilement la mettre au rang de toutes les « fatalités » que les mêmes bourgeois et leurs médias à la solde de l’impérialisme tentent de nous faire avaler quotidiennement, entre le bulletin météo et le résultat des courses : « c’est la crise ! »

           Politiquement, s’il parvenait enfin à un asile sûr, par une entente de quelques nations progressistes, réellement soucieuses de manifester des velléités d’indépendance à l’égard de l’impérialisme US, ce serait en réalité un recul, modeste en apparence, mais symboliquement très important, de la part de cette superpuissance.

          Ce serait un recul d’autant plus important si ce droit d’asile se concrétisait à la suite d’une mobilisation populaire internationale, dans l’esprit de celles que l’on a connu, jadis, notamment à propos de l’intervention US au Viêt-Nam, par exemple…

       En France, malgré le comportement particulièrement honteux et servile de notre gouvernement, on est très loin, même, d’un embryon de mobilisation…

        Chez les communistes-marxistes-léninistes, héritiers des principes de mobilisation anti-impérialiste, on s’est difficilement fendu, et souvent avec retard, de quelques communiqués à portée confidentielle, et, peut-être, de quelques tracts à diffusion tout aussi restreinte…

         Dans toute une frange de la gauche française progressiste, qui prétend se démarquer de la social-démocratie au pouvoir, on a pourtant coutume de se référer aux heures les plus glorieuses et les plus unitaires de la Résistance, jusqu’à vouloir faire revivre le « programme du CNR », « pour que reviennent les jours heureux… »

          Mais chez les uns comme chez les autres, au-delà de quelques proclamations d’« indignation » à la mode « bobo », de mobilisation unitaire anti-impérialiste, il n’en est point !

           Au mieux l’« incident » Snowden est une occasion de plus, pour chaque groupuscule, de se « démarquer » en tentant de faire briller la devanture de sa petite boutique plus fort, sinon plus « rouge » que les autres !

           Et chacun de se trouver une légitimité historique dans tel ou tel aspect de l’action des dirigeants politiques de cette époque lointaine, de résistances et de luttes décisives, il est vrai, mais pour tenter d’en faire son propre « glorieux passé » !

        Il n’est donc pas inutile d’essayer de comprendre en quoi notre époque diffère de celle-là, en quoi elle en est aussi l’héritière, et par quelles étapes intermédiaires, non moins décisives.

          La problématique centrale de toutes ces polémiques idéologiques entres factions plus ou moins « résistantes » et « oppositionnelles » est la question des nationalisations des grandes entreprises industrielles et financières, telles qu’envisagées par le Comité National de la Résistance et mise en œuvre à la Libération. C’est la remise au goût de notre époque « mondialisée » de cette question qui fait débat, quant au fond, et interpelle, à juste titre, on va le voir.

          Quel rapport avec l’affaire Snowden ? A première vue, pas évident, et pourtant il est direct, quant au fond, également. Ce que nous montre le geste révélateur de Snowden, c’est précisément un aspect caractéristique de la « mondialisation », une tentative de contrôle de gestion de toutes les affaires politiques, économiques et sociales, de la part de la superpuissance US.

     L’enjeu fondamental d’une politique de nationalisations, quelle que soit son orientation idéologique, c’est la possibilité, pour une nation, de choisir son régime politique et social, et que celui-ci ne soit pas forcément inféodé à l’impérialisme.

         Pourtant, ce n’est pas, loin s’en faut, un critère suffisant, comme le montre précisément la politique du CNR, qui aboutit, en moins de trois ans, à l’acceptation du Plan Marshall par le gouvernement français.

         Ce Plan Marshall, basé, en partie sous la forme de crédits, et sur une exportation massive de capitaux, était en quelque sorte l’acte officiel d’inféodation à l’impérialisme US des nations ouest-européennes à peine libérées du joug fasciste de l’impérialisme germanique.

       Dans ces pays cette inféodation s’est avérée parfaitement compatible avec la politique de nationalisations, parfois intense, suivie à la libération. Dans certains cas, comme en Italie, la politique de nationalisations avait déjà été inaugurée sous la dictature fasciste. Elle était, avant comme après la chute du fascisme, parfaitement cohérente avec les exigences du capitalisme monopoliste d’état, et avec son évolution impérialiste. (En France, au début de l’ère Mitterrand, une nouvelle vague de nationalisations n’a réduit en rien l’inféodation du pays à l’impérialisme US, via l’Euro-atlantisme, notamment.)

        Le mode d’expansion de l’impérialisme US ne peut être assimilé de manière simpliste au mode d’expansion du fascisme hitlérien et de ses alliés.

          Celui-ci correspond à un impérialisme en retard de développement sur ses concurrents, et d’autant plus sensible aux crises cycliques du système, qu’il est l’héritier du passif de ses échecs précédents.

           C’est pourquoi il a besoin de se développer sur la base d’un nationalisme totalitaire, raciste, territorialement conquérant pour compenser sa difficulté à l’exportation de capitaux, et donc militairement agressif en permanence, tant par principe que par nécessité.

        Alors que le développement de l’impérialisme US correspond à une maturation plus lente, construite par étapes et financièrement plus solidement structurée à l’échelle internationale. Il s’appuie sur la longue expérience de l’impérialisme britannique, dont il est originairement issu, même si c’est évidemment dans le but de le supplanter, et, en fait, de l’inféoder à son tour.

          C’est cette étape qui est atteinte avec la phase finale de la seconde guerre mondiale, et ses conséquences immédiates. Cette étape, c’est l’inféodation totale, sous couleur de « libéralisme » et de « démocratie » des anciennes puissances impérialistes de l’Europe occidentale.

         Ce comportement, formellement différent du fascisme hitlérien, n’exclue pas pour autant tout recours au totalitarisme, lorsque le besoin s’en fait sentir temporairement, (cas du Maccarthysme), ou lorsque les objectifs locaux ne sont pas atteints ou mis en danger, (cas des dictatures militaires sud-américaines des années 60-80). Sous l’enveloppe « libérale » et « démocratique » se tisse en permanence l’alternative d’un recours au totalitarisme en cas de crise, et c’est précisément ce que nous révèle l’affaire Snowden.

           Car ce que le fascisme hitlérien et l’impérialisme US ont en commun, c’est bien la volonté d’asservir les peuples et d’empêcher l’expression concrète de toute volonté réelle d’émancipation.

         Pour l’instant c’est la méthode « douce » de l’asservissement financier qui prévaut encore, mais elle commence à se trouver compromise par l’approfondissement de la crise. Non pas dans le principe même de son fonctionnement, encore relativement solide, mais dans la révélation permanente de son impact social désastreux.

          C’est pourquoi ressurgissent, y compris en Europe occidentale, des velléités de nationalisme économique, tant de droite que de gauche. En quoi ces velléités offriraient éventuellement, selon leurs promoteurs, des perspectives nouvelles d’indépendance vis-à-vis de l’impérialisme US, et pourquoi sont-ils aussi peu réactifs au cas Snowden, c’est ce qu’il est important de comprendre, pour situer l’enjeu d’une nouvelle politique de nationalisations proposée par les uns et les autres.

           Par rapport à l’époque de l’immédiat après-guerre, plusieurs différences notables sont évidemment à souligner dans la situation internationale. Même si l’impérialisme US pouvait sembler au zénith de sa puissance, même si son rôle dans la défaite du fascisme hitlérien Europe de l’ouest ne doit pas être sous-estimé, le prestige de l’URSS était encore plus grand dans les couches populaires, depuis les premiers revers stratégiques infligés aux nazis dès la fin 1941 (Bataille de Moscou). La transformation de certains fronts de résistance antifascistes en démocraties populaires freinait, dans les années d’après-guerre, le champ d’extension de l’impérialisme US et amorçait l’extension possible du camp socialiste.

         Mais alors que l’Union Soviétique a supporté l’essentiel des pertes humaines du camp allié, tant civiles que militaires (N2), et qu’une grande partie de son territoire était totalement ravagé par les destructions, ainsi que celui des nouvelles démocraties populaires, du reste, la machine industrielle américaine, elle, était lancée à fond et nécessitait de nouveaux débouchés, qu’elle escomptait, avec le plan Marshall, dans la reconstruction européenne, combinant ainsi l’asservissement politique et financier avec une contre-offensive idéologique. En dépit de la propagande développée depuis cette époque, et en dépit des tragédies humaines, la guerre était une affaire excellente pour le développement économique US, alors qu’elle fut un fardeau, héroïquement assumé, mais dévastateur, pour celui de l’URSS.

            En France, alors que les combattants communistes avaient aussi assumé la majeure partie des sacrifices de la résistance intérieure, et bénéficiaient d’un soutien considérable dans la population, la direction du Parti, à la remorque de la bourgeoisie gaulliste et sociale-démocrate, remettait, dès la libération, le mouvement ouvrier en position de classe dominée. C’est le résultat historique concret de la « participation » des ministres communistes aux différents gouvernements de l’après-guerre, jusqu’à leur éviction par les sociaux-démocrates, plan Marshall oblige. Tel était le résultat concret de l’application du programme du CNR. Malgré une nouvelle et vaillante poussée de révolte sociale et anti-impérialiste prolétarienne, durant plusieurs mois, en 1947-48, les dirigeants du PCF resteront incapables de reconstruire le rapport de force politique nécessaire.

            Il est encore aujourd’hui nombre d’historiens bourgeois (et…?) trotskystes pour prétendre que cette stratégie défaitiste et opportuniste correspondait en fait à l’intérêt de l’Union Soviétique. Alors que la réalité historique montre que si la stratégie diplomatique internationale de l’URSS était une chose réelle, l’internationalisme marxiste-léniniste des dirigeants du PC(b) URSS, en était une autre, non moins réelle.

         C’est bien en réaction au lancement du Plan Marshall, en tant que tentative de reprise de contrôle hégémonique de l’Europe, qu’ils ont pris l’initiative de créer le Kominform, conférence internationale de coordination des principaux partis communistes d’Europe, y compris ceux qui pouvaient encore jouer un rôle essentiel dans l’opposition, les PC français et italiens.

          A l’issue de la première conférence, en septembre 1947, est publié le célèbre « Rapport sur la situation internationale », présenté par le représentant du PC(b)URSS, Andreï Jdanov. Il manifeste à la fois clairement quelle est la stratégie diplomatique de l’Union Soviétique, et pour ce qui concerne notre propos, la stratégie de lutte proposée aux PC d’Europe occidentale, français et italiens, notamment.

         En ce qui concerne les contraintes diplomatiques évidentes, ce rapport, dans la version officiellement publiée, ne mentionne pas la nature des débats internes de la conférence. En ce sens, cette version a aussi une fonction « diplomatique » à l’égard des partis concernés, et notamment le PCF, ce qui ne les dispensait pas d’en tirer toutes les conséquences politiques. En occultant, en interne également, la nature des débats ayant aboutis à son élaboration, les dirigeants du PCF en ont totalement dénaturé le contenu politique. Ils en ont fait un simple « réajustement », un de plus, de leur ligne opportuniste.

           Malheureusement pour eux et leurs successeurs, et malheureusement, surtout, à cause de l’effondrement de l’Union Soviétique, nous avons aujourd’hui suffisamment d’éléments historiques pour démontrer leur duplicité, tenter de l’analyser et d’en tirer de leçons.

Extrait du rapport d’Andreï Jdanov, tel que l’ont entendu les délégués français, dont Jacques Duclos :


(R1) « …En particulier, si on parle d’erreurs, il nous faut faire référence aux erreurs commises par les dirigeants des Partis Communistes de France et d’Italie envers la nouvelle campagne de l’impérialisme américain contre la classe ouvrière.

          La direction du Parti Communiste français n’a pas démasqué et ne démasque pas de façon adéquate pour le peuple de son pays le plan Truman-Marshall, le plan américain d’esclavage de l’Europe, et de la France en particulier.

        Le départ des communistes du Gouvernement Ramadier a été traité par le Parti Communiste comme un événement domestique, alors que la véritable raison de l’expulsion des communistes du Gouvernement était que celle-ci avait été exigée par l’Amérique.

          Il est à présent devenu assez évident que l’expulsion des communistes du Gouvernement était la condition préalable pour que la France reçoive des crédits américains.

          Un crédit américain de 250 millions de dollars était le prix modeste payé par la France pour renoncer à sa souveraineté nationale.

         Comment le Parti Communiste français a-t-il réagi face à cet acte honteux des cercles dirigeants de France qui ont vendu la souveraineté nationale du pays ?

          Au lieu de dénoncer comme honteuse, comme une trahison de la défense de l’honneur et de l’indépendance de la patrie, la conduite des autres partis, socialistes inclus, le Parti Communiste français a réduit la question à un problème de violation des pratiques démocratiques, qui s’exprimait par un empiétement sur les droits du parti le plus nombreux au Parlement français, alors que la violation de la tradition parlementaire était, dans ce cas, simplement le prétexte et non la cause.

          Cet étouffement des raisons réelles pour lesquelles les communistes ont été exclus du Gouvernement constitue sans aucun doute une erreur sérieuse de la part de la direction du Parti Communiste français, et soit était dû à une mauvaise compréhension de la situation, et il est difficile de supposer que ça ait été le cas, soit les communistes français se sont laissés intimider par des arguments sur les intérêts  » nationaux  » de la France. Apparemment, les communistes craignaient qu’ils puissent être accusés de constituer un obstacle à l’octroi par l’Amérique d’un crédit à la France, et ainsi, de soi-disant nuire aux intérêts de leur pays.

         De cette manière, les communistes ont cédé à un chantage qui leur reprochait de ne pas être suffisamment patriotique alors que la seule force patriotique en France aurait été le Parti Communiste, s’il avait démasqué la signification réelle du crédit américain, qui avait été conditionné à une modification de la composition du Gouvernement par l’exclusion des communistes, ce qui, partant, affaiblissait la souveraineté même de la France.

        A cette occasion, le Parti Communiste français a cédé à la pression de la réaction, même s’il savait que cette pression était dictée par des forces impérialistes hostiles au peuple français.

         Les communistes français auraient dû se présenter fièrement devant le peuple, dévoilant le rôle de l’impérialisme américain qui avait ordonné à la France d’expulser les communistes du Gouvernement national et expliquer au peuple qu’il ne s’agissait pas simplement d’une autre « crise gouvernementale », pas d’une simple violation des traditions parlementaires (bien que cela soit aussi significatif en tant que caractéristique de la crise de la démocratie bourgeoise), mais d’un cas d’ingérence étrangère dans les affaires françaises, une abrogation de l’indépendance politique de la France, une vente de la souveraineté de la nation par les socialistes français.

          Il est déplorable que les dirigeants responsables des communistes français aient échoué jusqu’ici à expliquer au peuple français et à l’opinion publique mondiale dans son ensemble la cause sous-jacente de ces événements qui ont eu lieu en France, et le rôle honteux joué dans cette question par les socialistes français. »

      Il était difficile d’être plus carré dans une condamnation de la stratégie des dirigeants du PCF, alors que la stratégie proposée par Andreï Jdanov et les dirigeants du PC(b)URSS était particulièrement simple et limpide :

(R2)« …c’est aux Partis Communistes qu’incombe le rôle historique particulier de se mettre à la tête de la résistance au plan américain d’asservissement de l’Europe et de démasquer résolument tous les auxiliaires intérieurs de l’impérialisme américain.

           En même temps, les communistes doivent soutenir tous les éléments vraiment patriotiques qui n’acceptent pas de laisser porter atteinte à leur patrie, qui veulent lutter contre l’asservissement de leur patrie au capital étranger et pour la sauvegarde de la souveraineté nationale de leur pays.

         Les communistes doivent être la force dirigeante qui entraîne tous les éléments antifascistes épris de liberté à la lutte contre les nouveaux plans expansionnistes américains d’asservissement de l’Europe. »

          Il s’agissait clairement de transformer le front antifasciste en un front anti-impérialiste, et spécialement anti-impérialisme US, ce qui découlait d’une analyse marxisteléniniste évidente : l’impérialisme germano-fasciste, qui avait été l’ennemi principal du prolétariat et de tous les peuples épris de liberté durant plusieurs décennies venait à peine d’être vaincu que l’impérialisme US se posait en nouveau maître du monde, collaborant au besoin avec les débris du nazisme, pour freiner ouvertement et délibérément le développement de la révolution socialiste. Il est clair qu’il se positionnait de lui-même en ennemi principal du socialisme prolétarien et du communisme, et qu’il n’y avait pas à tergiverser sur la nature de cette contradiction.

             Ce hiatus énorme entre leur stratégie suivie de longue date et celle du PC(b)URSS, les dirigeants du PCF se sont toujours débrouillés pour la masquer, notamment en taisant la nature des controverses au sein du Kominform, et par la suite, en jouant de la « nouvelle diplomatie » du révisionnisme kroutchévien pour justifier leur attitude de collaboration de classe, y compris en accréditant les pires calomnies sur la révolution bolchévique.

         Mais à l’époque, une de leurs principales échappatoires était précisément d’entretenir la confusion entre leur politique de « nationalisations » inaugurée dans le cadre du CNR, et celle des démocraties populaires nouvellement formées.

           Cette confusion permettait d’avancer le concept d’une sorte de stade ou de phase intermédiaire entre capitalisme et socialisme, reprenant les vieilles idées trotskystes du « programme de transition », plus tard rebaptisée « démocratie avancée » par le PCF et tout à fait formalisée, par la suite dans le tristement fameux « programme commun » PCF-PS, voué à l’échec dont on se souvient encore…

          Diverses moutures de ce concept sont constamment remises au goût du jour par les nombreuses formations groupusculaires de la « gauche anticapitaliste » française. Une des plus caractéristiques est celle de l’URCF, se réclamant pourtant du marxisme-léninisme, dans une brochure spécialement dédiée à son projet de nationalisations, mélangeant habilement justifications et quelques légères critiques de l’attelage PCF-CNR, pour finir par y un introduire un quasi-copié-collé du « programme de transition »…(N3)

          Alors que là encore, la question avait été déjà nettement tranchée par les dirigeants du PC(b) URSS et la définition du statut des démocraties populaires on ne peut plus clairement formulée, dès 1949, par les juristes soviétiques : 

(J1)«  … le professeur Mankovsky, présenta le premier un rapport sur: L’essence de la structure étatique des Etats de démocraties populaires.

           Selon lui, tous les Etats de démocratie populaire sont le fruit des révolutions qui ont éclaté dans ces pays. Ces révolutions sont bien du type marxiste-socialiste, puisqu’elles ont été conduites par les partis communistes. Elles ont fini victorieusement à la suite de la défaite de l’Allemagne hitléro-fasciste, grâce à l’intervention de l’armée soviétique. La guerre civile fut évitée dans ces pays car l’armée soviétique n’a pas permis l’intervention des forces anglo-saxonnes qui auraient pu soutenir les forces intérieures réactionnaires dans ces pays.

       Ces Etats, nés à l’époque de la crise générale du capitalisme et de la défaite allemande, s’appuyant sur la dictature de la classe ouvrière, sont donc de pure essence marxiste-socialiste sous forme de Républiques populaires. Ainsi se réalise, selon le professeur Mankovsky, la théorie de Lénine et de Staline sur la dictature du prolétariat, qui avait prévu sa manifestation sous des formes diverses. Les Républiques des démocraties populaires sont donc une nouvelle forme politique de la dictature du prolétariat. »

         Il est évident que tous les buts du socialisme ne pouvaient y être atteints en quelques mois, mais l’essentiel est dans la direction prise pour la reconstruction du pays, dans le projet politique.

       C’est ce qu’Andreï Jdanov exprimait dans sa propre définition, déjà contenue dans son rapport :


(R3) « Un nouveau type d’Etat a été créé : la République populaire, où le pouvoir appartient au peuple, où la grande industrie, le transport et les banques appartiennent à l’Etat et où la force dirigeante est constituée par le bloc des classes travailleuses de la population, ayant à sa tête la classe ouvrière.

        Les peuples de ces pays se sont non seulement libérés de l’étau impérialiste, mais ils sont en train d’édifier les bases du passage vers le développement socialiste. »

     Andreï Jdanov anticipait ainsi les nombreuses précisions apportées ensuite par les juristes soviétiques :

(J2)« Par leurs plans économiques ces Etats exercent un contrôle total sur le secteur privé encore existant, de sorte que le secteur socialiste et étatique s’élargit de plus en plus par la liquidation progressive des derniers vestiges du capitalisme et de la propriété privée. De cette façon, la structure sociale des pays de démocratie populaire a entièrement changé.

     La classe ouvrière tient fermement dans ses mains tous les moyens de production, bien que la liquidation des classes capitalistes et possédantes ne soit pas définitivement terminée. »

        Ainsi il est vraiment impossible, quant au fond, d’entretenir la moindre ambiguïté, à moins de se complaire dans les sophismes de l’opportunisme le plus invétéré. Il est clair que les bourgeoisies nationales de la plupart de ces pays, principalement issues du démembrement récent de l’empire Austro-hongrois, n’avaient pas encore atteint un stade de développement équivalent au capitalisme monopoliste de l’ouest européen, mais elles ne constituaient déjà plus une alternative possible pour la reconstruction de ces pays. C’est principalement la lutte résolue des partis prolétariens qui a empêché les renversements d’alliances bourgeoises du fascisme hitlérien à l’impérialisme US.

            En France, la lutte des partisans de la résistance n’était pas moins résolue, comme l’on souligné les dirigeants du PC(b) URSS. Ce ne sont que les atermoiements des dirigeants du PCF, et notamment leur conception opportuniste des nationalisations, qui ont permis la reconstitution du capitalisme monopoliste. (N4)

            Dans la constitution du front antifasciste ils ont constamment négocié en position d’infériorité politique, alors que les partisans communistes étaient largement majoritaires sur le terrain et payaient le plus lourd tribut aux combats. Ils n’ont jamais concrétisé ce rapport de forces par la constitution du prolétariat en une force politique autonome, ayant son propre projet politique porté à la fois par le parti et par une organisation de masse ayant un statut pérenne après la libération, seule susceptible de garantir vraiment le maintien de l’indépendance nationale et la continuation du combat social.

          Il est évident que le statut des Comités départementaux de libération, ainsi que des comités cantonaux, municipaux, locaux qui leurs étaient attachés n’aurait jamais dû être validé par le parti sans cette condition de pérennité.

          Ils n’ont pas non plus cherché à constituer les forces combattantes partisanes en unités d’une armée populaire ayant pourtant largement gagné son statut légitime en tant que première force de l’intérieur. Ils n’ont pas fait le moindre geste, ni posé la moindre exigence légitime de pérennité, en ce sens, pour empêcher l’« amalgame » avec une armée qui n’était davantage « régulière » que vue de l’extérieur, c’est-à-dire du point de vue américain, essentiellement… !

        En résumé, il faut bien constater que ce comportement constant des dirigeants du PCF ne fut pas simplement une suite de « petites » concessions opportunistes dictées par les « circonstances », mais bien au contraire un choix politique délibéré, pour la reconstitution du capitalisme monopoliste, au prix de quelques concessions sociales pour les aider à faire avaler la potion au prolétariat et au peuple, et que cette ligne n’avait évidemment déjà plus aucun rapport avec le marxisme-léninisme.

          Que ce genre de politique soit menée au nom de l’« intérêt national » est une constante de l’opportunisme, déjà bien étudiée par Lénine en son temps(N5), et qui n’aurait pas dû abuser un parti théoriquement constitué sur la base du marxisme-léninisme. L’analyse de cette situation historique ne peut qu’amener à la conclusion que les racines de l’opportunisme étaient déjà anciennes et profondes au sein du PCF.

         Lénine ne niait nullement la possibilité d’une alliance provisoire, en cas d’oppression nationale par une puissance impérialiste, entre le prolétariat et la bourgeoisie, mais elle était impérativement liée à l’indépendance politique du parti prolétarien, tant dans ses objectifs que dans sa stratégie. Elle ne devait être qu’une étape destinée à faire avancer la lutte de classe dans de nouvelles conditions, dans un nouveau rapport de force idéologique et politique, qui ne cesse de se construire, y compris pendant ce temps limité aux nécessités de la lutte de libération nationale.

           Il était donc clairement nécessaire, en fonction du renversement progressif du rapport de force entre l’impérialisme germano-fasciste et l’impérialisme US, et en raison de l’alliance stratégique du capitalisme monopoliste français avec ce dernier, de construire l’autonomie politique du prolétariat, de son parti, évidemment, mais aussi et surtout de son programme et de ses organisations de masse, comme nous l’avons déjà vu.


De la mémoire de cette époque, il y a le souvenir du combat héroïque des francs-tireurs et partisans de la résistance, à sauver.

          Mais de la conduite politique des dirigeants du PCF, il n’y a rien à sauver. (N6)

           Il est également évident que la construction d’un nouveau front uni anti-impérialiste, à partir de 1947, contre l’offensive économique et idéologique US, ne pouvait avoir exactement la même composition sociale que le front uni antifasciste de 1943-44, mais il aurait pu se constituer sur une base très large, s’il avait été la suite logique d’une stratégie cohérente dans la période précédente, comme l’explique Andreï Jdanov : 

(R4)« C’est pourquoi les Partis Communistes (…) doivent serrer leurs rangs, unir leurs efforts sur la base d’une plate-forme anti-impérialiste et démocratique commune, et rallier autour d’eux toutes les forces démocratiques et patriotiques du peuple.

       Une tâche particulière incombe aux Partis Communistes frères de France, d’Italie, d’Angleterre et des autres pays. Ils doivent prendre en main le drapeau de la défense de l’indépendance nationale et de la souveraineté de leurs propres pays. Si les Partis Communistes frères restent fermes sur leurs positions, s’ils ne se laissent pas influencer par l’intimidation et le chantage, s’ils se comportent résolument en sentinelles de la paix durable et de la démocratie populaire, de la souveraineté nationale, de la liberté et de l’indépendance de leur pays, s’ils savent, dans leur lutte contre les tentatives d’asservissement économique et politique de leur pays, se mettre à la tête de toutes les forces disposées à défendre la cause de l’honneur et de l’indépendance nationale, aucun des plans d’asservissement de l’Europe ne pourra être réalisé. »

        Mais à l’automne 1947, les effets d’une stratégie désastreuse des PC français et italiens se faisaient déjà sentir, comme le constatait Andreï Jdanov : 

(R5) « L’annonce de la décision de De Gasperi d’expulser les représentants du Parti Communiste italien du Gouvernement a provoqué les masses et a causé de multiples protestations.

      Mais malheureusement, on n’a pas soutenu ni dirigé suffisamment cette initiative des masses.

          La conclusion qu’il faut tirer est que, en Italie comme en France, en surestimant les forces de la réaction, les communistes ont été les victimes de l’intimidation et du chantage impérialiste.

          Ils ont sous-estimé leurs propres forces, les forces de la démocratie, la volonté des masses de défendre les droits nationaux et intérêts fondamentaux de leurs pays.

        C’est d’autant plus décevant que tant les Partis Communistes français qu’italien ont démontré, dans des conditions difficiles, leur capacité à rallier autour de la bannière communiste les larges masses de la classe ouvrière, les paysans pauvres et l’intelligentsia. »

          Grâce à la situation de guerre mondiale engendrée par l’impérialisme germano-fasciste, l’impérialisme US était d’autant mieux placé pour profiter de la destruction massive des forces productives en Europe et dans le reste du monde, qu’il y avait lui-même largement contribué, alors que son propre territoire n’avait pas été touché, et que son potentiel économique avait pu se développer à fond, notamment dans le domaine militaro-industriel, où il devenait, et pour longtemps, la première puissance.

            Avec le Plan Marshall son pouvoir de domination financière et de corruption politique des bourgeoisies monopolistes européennes a pu s’établir sur l’Europe occidentale, avec la complicité objective, sinon délibérée, des PC concernés. Cette domination ne s’est pas démentie depuis, ni cette corruption, ni cette collusion, sous la forme de l’« Eurocommunisme » et de son succédané actuel, le PGE.

           Le trait fondamentalement nouveau, à l’aube de la 2ème moitié du 20ème siècle, souligné par Andrei Jdanov dans son rapport, c’était la dominance de l’impérialisme US, depuis son offensive généralisée lors de la seconde guerre mondiale.

         C’est toujours la période dans laquelle nous vivons, avec des évolutions dans les formes technologiques, évidemment, d’où l’affaire Snowden, particulièrement révélatrice.

           L’effondrement du bloc de résistance que constituait le camp socialiste, en 1989-91, est généralement considéré comme le grand tournant de toute cette 2ème moitié du 20ème siècle, mais en réalité c’est le rapprochement Mao-Nixon, aux « bons soins » du Dr Kissinger, dès 1971, qui a permis l’encerclement géostratégique de l’Union Soviétique et l’ouverture du marché chinois, démarrant une nouvelle phase intense de mondialisation financière, dans des formes étrangement proche de ce qu’avaient entrevu tant Lénine que les économistes du début du 20ème siècle, sinon que les USA ont définitivement supplanté l’Europe… (Voir Lénine citant Hobson, notamment sur la Chine, dans « l’impérialisme, stade suprême du capitalisme », chap. 8, « le parasitisme et la putréfaction du capitalisme ».)

           Le trait « original » et relativement appréciable de cette nouvelle période est l’absence, pour l’instant, de conflagration généralisée, en dépit de la crise profonde et chronique du capitalisme. Mais la raison de cette paix illusoire réside pourtant dans un nouveau mode de destruction des forces productives, précisément et paradoxalement du à cette ouverture de tous les marchés, et même en dépit de l’apparent développement spectaculaire de telle ou telle région du monde, et notamment de la Chine. Ces « booms » économiques ne sont que des « pompes » de secours et des relais éphémères pour entretenir ou accélérer provisoirement la circulation des capitaux, aboutissant à la destruction des forces productives « excédentaires », selon les critères de la rentabilité financière. Le transfert de l’industrie textile de l’Europe à la Chine, puis de la Chine au Bengale, avec des milliers de chômeurs, et dans le cas du Bengale, des milliers de morts à la clef, en est une illustration sanglante. Le bilan global, depuis la destruction de l’Union Soviétique, reste un accroissement de la misère des classes populaires à travers le monde.

            L’un des premiers truchements de l’extension de l’impérialisme US fut l’extension des révisionnismes Togliattistes et Thoréziens aux PC du bloc socialiste, tout d’abord sous la forme du Titoïsme yougoslave, puis finalement sous la forme du révisionnisme Kroutchévien au sein même du PC(b) URSS.

          Toutefois, malgré diverses tendances au social-chauvinisme et au social-impérialisme, cette influence ne put empêcher l’Union Soviétique et le bloc socialiste de rester une base encore solide pour d’autres luttes anti-impérialistes dans le monde, à Cuba, en Indochine, en Angola, en Afrique du Sud, et bien d’autres…

          Tel un navire immense continuant de courir sur son aire, alors que les nouveaux pilotes révisionnistes ont lâchement commandé « machine arrière »…

           Ce n’est qu’avec la tentative de division opérée par le mouvement maoïste, usurpant habilement la défense des principes du marxisme-léninisme, pour mieux les trahir avec sa « théorie des trois mondes » et sa collaboration éhontée avec l’impérialisme US, qu’a pu s’achever l’encerclement idéologique, politique et militaire de l’Union Soviétique, facilitant le travail de sape intérieur de ses saboteurs politiques, Gorbatchev et Eltsine.

         C’est le retournement politique et économique de la Chine, dès 1971, comme nous le révèlent également les archives déclassifiées, qui a permis le véritable essor de cette « nouvelle » vague de mondialisation impérialiste que nous connaissons encore aujourd’hui et dont nous subissons les conséquences sociales désastreuses.

          Aujourd’hui, si la domination US est devenue omniprésente, représentant toujours le principal danger de totalitarisme, comme nous le révèle si bien l’affaire Snowden, les autres rapports de forces ont évidemment largement changés. La nature et l’influence du révisionnisme aussi. Son rôle de sabotage à l’intérieur du mouvement ouvrier étant amoindri, il s’est mué encore plus ouvertement en appendice et roue de secours de la social-démocratie, non moins ouvertement vendue à l’impérialisme US.

        Les partis communistes marxistes-léninistes restent, pour l’essentiel, à construire ou à reconstruire, ainsi que le vaste front anti-impérialiste des prolétariats et des peuples, tant souhaité par Andreï Jdanov.

           Pour l’instant, au stade actuel de la crise, la nécessité, pour l’impérialisme, de destruction des forces productives, ne se manifeste donc heureusement pas encore par une volonté de conflagration mondiale, mais par une suite de conflits locaux, néanmoins très sanguinaires, jusqu’au cœur de l’Europe, si besoin est, comme avec l’ex-Yougoslavie, et où l’impérialisme français ne néglige pas la part que lui concède son suzerain US.

         Mais l’essentiel de la destruction s’effectue, on l’a bien compris, de façon encore plus rationnelle, dans le cadre de la «rentabilisation », par la liquidation délibérée, par la politique de casse planifiée de l’outil industriel, notamment en France.

            C’est donc essentiellement à titre de revendication économique, et seulement dans l’optique urgente de freiner la destruction des forces productives, que nous devrions utiliser, au cas par cas, des mots d’ordre de nationalisations ou même encourager d’autres mesures protectionnistes.

        Il doit s’agir uniquement de sauvegarder ou de reconstituer des bases potentielles de luttes sociales anticapitalistes et anti-impérialistes, dans la période actuelle de reflux des forces politiques prolétariennes, et nullement d’entamer une nouvelle politique de collaboration de classe avec telle ou telle fraction de la bourgeoisie monopoliste.

           Il est évident, on l’a vu, que ce front, en France, ne saurait plus comprendre aucune fraction de la bourgeoisie monopoliste, nécessairement dépendante de l’impérialisme US, même sous la forme d’une bourgeoisie bureaucratique installée dans les entreprises nationalisées, passées, présentes ou à venir.(N7)

             Au sein des entreprises, publiques ou privées, comme dans les autres structures de l’état monopoliste, nous devons utiliser les institutions représentatives comme des tribunes pour le développement des luttes, selon une stratégie marxiste-léniniste éprouvée, et non en faire des enjeux politiques en elles-mêmes, aboutissant uniquement à quelques sinécures pour bureaucrates collabos.

        Elles ne deviendraient toujours pas un enjeu politique réel et sérieux, même si elles venaient à être rebaptisées « contrôle ouvrier » dans on ne sait trop quelle « phase de transition » imaginaire, qui nous serait vendue par de nouveaux opportunistes « de gauche » ou quelques trotskystes sur le retour…

          A très court terme il serait juste, par contre, tant humainement que politiquement, de tenter une première ébauche de front uni anti-impérialiste autour du cas Snowden, tant est précieuse et vivante, et on l’espère, pour longtemps, la leçon de vérité anti-impérialiste qu’il nous a apporté.

         A moyen terme, et autour d’objectifs concrets similaires, il est parfaitement possible de commencer à construire ce front, même si les mouvements communistes marxistes-léninistes sont faibles et divisés. L’expérience de l’unité d’action entre marxistes-léninistes sur des objectifs simples et évidents serait déjà, en l’état actuel du mouvement, une forme de l’expérience de l’unité plus large qu’il est nécessaire de construire, dans l’optique stratégique déjà évoquée par Andreï Jdanov.

         Il ne s’agit évidemment pas d’une projection dogmatique, tout comme la transposition du front antifasciste en front anti-impérialiste, qui est envisagée de façon non dogmatique dans le rapport d’Andreï Jdanov.

          Ce qui est un trait caractéristique de l’impérialisme, commun à toutes les époques, c’est son inégalité de développement entre les pays, cause de crises et de conflits, mais qui entraine aussi la nécessité de construire des organisations prolétariennes répondant aux conditions diverses de ces pays.

           Dans la situation actuelle de crise planétaire, liée à la nouvelle phase de « mondialisation », c’est aussi, et surtout en Europe, l’inégalité dans la régression des forces productives, selon les pays, qui est caractéristique, due à une nouvelle répartition à l’échelle mondiale, au profit de la puissance financière de l’impérialisme US, et secondairement, de son partenaire et bientôt rival, le capitalisme chinois.

        Il est évident que la constitution d’un front anti-impérialiste, de nos jours comme hier, à l’époque du rapport d’Andreï Jdanov, fait appel à la notion d’indépendance nationale.

         Face à l’ampleur de la domination US, face à l’ampleur et à la vitesse de destruction des forces productives, comment pourrait-il en être autrement ?

          Cette notion doit amener à une union très large de tous les progressistes et de tous ceux qui subissent directement ou indirectement les conséquences de la crise, dans le prolétariat, et dans d’autres couches sociales également.

            Cette union se fera, dans l’action, sur des objectifs concrets, sur des revendications immédiates ou à moyen terme, et souvent sur des sujets moins significatifs que l’affaire Snowden, dont les communistes marxistes-léninistes sont, malheureusement, pour l’instant, incapables d’assumer les conséquences et les développements possibles.

          Pourtant, si une volonté nouvelle doit apparaître, ce seront les débats et discussions à la base, sur des objectifs limités mais concrets qui permettront de développer des analyses simples et claires, susceptible de faire renaître une véritable conscience de classe, un nouveau front des classes populaires.

          C’est aussi dans ce processus que les marxistes-léninistes pourront produire des analyses non seulement plus profondes, mais connectées aux réalités et susceptibles de refonder l’unité des révolutionnaires communistes sur des bases cohérentes et solides.

          Actuellement, si les différentes factions de la petite bourgeoisie qui se réclament du nationalisme économique, de droite comme « de gauche », voient leur influence progresser dans les couches populaires et même dans le prolétariat, ce n’est pas seulement un effet de la crise, mais bien aussi, et surtout, parce que les communistes marxistes-léninistes ont abandonné depuis longtemps le terrain de la lutte anti-impérialiste.

          Le nationalisme économique petit bourgeois exploite précisément et habilement le biais par lequel la conscience de classe à tendance à se réveiller spontanément : le masque « national » des différentes factions de la bourgeoisie monopoliste se craquèle un peu plus à chaque nouvelle destruction de forces productives, et derrière apparait un autre masque, de plus en plus sombre aux yeux des peuples, celui de l’ « Union Européenne ».

         Mais la puissance derrière ce masque, qui dicte ses volontés en faisant fi du choix démocratique des peuples, comme lors du référendum sur la constitution européenne, ne saurait rester longtemps cachée.

Le vrai maître de ce ballet de dupes, que nous révèle l’affaire Snowden, notamment à travers l’épisode rocambolesque du détournement de l’avion du président Moralès, pour ceux qui en doutaient encore, c’est l’impérialisme US. C’est lui et lui seul, en dernier ressort, qui fait régner l’ordre qui l’arrange le mieux, sans négliger au passage d’attiser les rivalités locales de ses marionnettes, en leur distribuant plus ou moins de concessions dans tel ou tel secteur d’activité.

           Dans ce contexte, les différentes factions du nationalisme économique petit bourgeois, qui n’ont aucune base sociale réellement solide pour se développer, se voient, d’une part, contraintes à une « péronisation » populiste de leur discours, et d’autre part à une recherche d’alliance improbable avec tel ou tel fragment de la bourgeoisie monopoliste, pourtant indéfectiblement lié à l’impérialisme US.


C’est donc bien aux communistes marxistes-léninistes qu’il incombe de montrer l’impasse dans laquelle ces factions tentent d’engager le prolétariat, et de démontrer que la seule voie susceptible d’arrêter la destruction des forces productives, et d’entreprendre la reconstruction sur une base nouvelle et indépendante, c’est le socialisme prolétarien. Nous ne devons pas craindre de reprendre des mots d’ordre d’indépendance nationale, car ce serait craindre d’affronter l’impérialisme. Nous devons également le faire parce que c’est une condition indispensable à la construction du socialisme.


La politique de front anti-impérialiste revêt une importance stratégique en ce qu’elle vise précisément au cœur du système capitaliste, ce qui est le principal obstacle sur la route de la révolution socialiste, la domination de l’impérialisme US. Mais précisément parce qu’elle a pour objectif le socialisme, elle ne saurait reposer sur des alliances stratégiques divergentes par rapport à cette voie.

          Elle nécessite évidemment, en plus du parti marxiste-léniniste, la constitution d’une organisation de masse ouverte à tous ceux qui se reconnaissent dans ce combat, selon ses diverses thématiques, sans forcément avoir une culture politique complexe. Avec le temps, la pratique et le débat, c’est ainsi que peut se développer une alliance stratégique des couches populaires autour du prolétariat.

             En ce qui concerne l’alliance du front avec d’autres organisations, il est clair qu’il s’agira le plus souvent d’alliances tactiques sur tel ou tel objectif concret, et donc à priori limitées dans le temps. Mais cela n’exclue pas, par une pratique commune répétée, au cas par cas, d’arriver à une élévation du niveau de dialogue et de nature d’alliance.

            Ce sont ce genre d’attitudes militantes et de dialogues populaires que les communistes marxistes-léninistes auraient pu, auraient dû, et pourraient encore développer, autour de la question du droit d’asile d’Edward Snowden.

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NOTES :

(R1) à (R5) extraits du « Rapport sur la situation internationale » d’Andreï Jdanov, Septembre 1947, reconstitué d’après les archives du Kominform. The Cominform — Minutes of the Three Conferences 1947/1948/1949, Edited by G. Procacci, G. Adibekov, Feltrinelli Editore (Milano, 1994 ).

Traduction française reprise du site: classiques.chez-alice.fr

(J1) et (J2) extraits de : L’Etat et le droit des pays de démocratie populaire d’après les juristes soviétiques. In: Revue internationale de droit comparé.
Vol. 2 N°1, Janvier-mars 1950. pp. 137-143.

doi : 10.3406/ridc.1950.5981

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1950_num_2_1_5981

(J1) 1er rapport du Pr. Mankovsky, (J2) 3ème rapport par N.P. Faberov.

(N1 : Le 2 Juillet 2013, alors qu’il doit quitter une réunion internationale à Moscou, pour se rendre, initialement, au Portugal, l’avion du Président Moralès, chef d’état de Bolivie, est interdit de survol par plusieurs pays d’Europe, dont la France, et doit finalement atterrir d’urgence en Autriche, où il restera bloqué pendant quatorze heures…

Alors que la presse américaine a clairement reconnu que l’ordre venait de Washington, les gouvernements européens, dont celui de François Hollande, ont dissimulé leur lâcheté derrière des faux-semblants techniques, avant de devoir s’excuser un tant soit peu et pour la forme…

Tout ce petit monde européen de lèches-bottes obtempérait aux injonctions de l’impérialisme US, pour le cas où Snowden aurait été dans l’avion…)

(N2 : Parmi les chiffres du bilan tragique de la 2ème guerre mondiale, les pertes militaires de l’Union soviétique représentent 88 % du total des pertes alliées en Europe (Royaume-Uni 3 %, France 2,3 % et États-Unis 2,2 %). Les pertes civiles de l’URSS représentent près de 65% du total cumulé avec le reste de l’Europe, Allemagne incluse.

(Recoupement des chiffres, bilans Histoire-fr.com et Wikipédia)

(N3 : Si l’on rapproche les points essentiels de la brochure URCF et du Programme de Transition dû à Trotsky, il devient très difficile de distinguer les deux démarches… :

Brochure URCF :

« La nationalisation sans indemnisation et avec contrôle ouvrier des monopoles casseurs d’emplois est l’un de ces axes transitoires à l’expropriation finale des expropriateurs.

Dans cette exigence tous les termes sont importants et indissociables.

« Sans indemnisations » car il s’agit bien de sanctionner des propriétaires capitalistes qui n’hésitent pas, forts de leur propriété, à sacrifier des emplois, des vies humaines, des villes et des régions pour satisfaire leur soif de profit maximum.(…)

« Avec Contrôle ouvrier ». L’expropriation est une mesure de justice sociale, mais indissociable de l’exigence de contrôle ouvrier ; ce qui a fait défaut dans la vague de nationalisations de 1945-47 (avec de plus, indemnisations et rentes à vie des capitalistes) ce fut l’absence de contrôle ouvrier pour vérifier la gestion de l’entreprise, mobiliser les travailleurs afin de dénoncer publiquement les salaires scandaleux des cadres dirigeants, l’affairisme, les investissements impérialistes à l’étranger, la recherche de la rentabilité financière.

Avec le contrôle ouvrier, la classe ouvrière et les travailleurs seront à bonne école pour forger leur rôle dirigeant ultérieur dans la société socialiste de demain. »


Trotsky, programme de transition :

« Les comités des diverses entreprises doivent élire, à des conférences correspondantes, des comités de trusts, de branches d’industrie, de régions économiques, enfin de toute l’industrie nationale dans son ensemble. Ainsi, le contrôle ouvrier deviendra l’ « école de l’économie planifiée ». Quand l’heure aura sonné, le prolétariat par l’expérience du contrôle se préparera à diriger directement l’industrie nationalisée.(…)

Exactement de même, nous revendiquons l’expropriation des compagnies monopolistes de l’industrie de guerre, des chemins de fer, des plus importantes sources de matières premières, etc.

La différence entre ces revendications et le mot d’ordre réformiste bien vague de « nationalisation » consiste en ce que :

1) Nous repoussons le rachat;

2) Nous prévenons les masses contre les charlatans du front populaire qui, proposant la nationalisation en paroles, restent en fait les agents du capital;

3) Nous appelons les masses à ne compter que sur leur propre force révolutionnaire;

4) Nous relions le problème de l’expropriation à celui du pouvoir des ouvriers et des paysans.(…)

Seule, la montée révolutionnaire générale du prolétariat peut mettre l’expropriation générale de la bourgeoisie à l’ordre du jour. L’objet des revendications transitoires est de préparer le prolétariat à résoudre ce problème. »)

(N4 : Les nationalisations, tout comme le mouvement inverse de privatisations, sont une variable d’ajustement et de règlement des contradictions au sein du capitalisme monopoliste, et aboutissent finalement à une concentration toujours plus grande. Provisoirement, elles sont une incitation à la collaboration de classe des dirigeants du mouvement ouvrier, soit par le biais d’institutions corporatistes (fascisme), soit « représentatives » ou « participationnistes » (social-démocratie, social-libéralisme).)

(N5 : Il existe plusieurs œuvres de Lénine consacrées à la question nationale. Une des moins connues, quoi que la plus remarquable quant au fond et à l’intérêt historique est :

« Du droit des nations à disposer d’elles-mêmes. », rédigé au printemps 1914, et où il répond essentiellement aux idées du courant gauchiste de Rosa Luxembourg, à sa façon habituelle, avec intransigeance mais respect pour cette personne, qu’il estime pour être assez constante dans sa démarche. Par la suite, et encore aujourd’hui, les trotskystes tenteront de récupérer ce courant, à leur manière opportuniste, non moins habituelle…

Voici ce que dit Lénine, dans cet ouvrage, en résumant ses critiques, à propos de l’attitude de Trotsky : « Jamais encore Trotsky n’a eu d’opinion bien arrêtée sur aucune question sérieuse du marxisme ; il a toujours eu coutume de « s’échapper par la tangente » à propos des divergences et de passer d’un camp à l’autre. »)

(N6 : A propos de l’incapacité des dirigeants du PCF, tant à expliquer au prolétariat français la réalité de la situation internationale, en 1939-40, qu’à développer une stratégie autonome de résistance, il est utile de consulter les mémoires de la très honnête Mounette Dutilleul, qui sait de quoi elle parle, même si, par principe et par affinité, elle leur est plutôt favorable… : http://trcamps.free.fr/Mounette%201939.html

Il reste en outre une étude sérieuse à faire sur la propagande du PCF à cette époque 1939-40, dans la mesure où elle est encore utilisée comme référence par certains.)

(N7 : Dans les pays au capitalisme ancien et développé, il est tout à fait impossible, et depuis longtemps, de reconstituer une bourgeoisie réellement « nationale », mais cette impossibilité se manifeste partout où le capitalisme monopoliste prend son essor. Dans « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme », Lénine explique déjà, en 1916, alors que la bourgeoisie monopoliste russe n’est encore que dans une première phase de gestation face au pouvoir tsariste vacillant, comment, avec le système des participations croisées, elle ne peut déjà plus prétendre à aucune vocation « nationale ». (Chap. 3, le capital financier et l’oligarchie financière : « Pour juger du développement que le « système de participations » a pris dans les grandes banques russes…)

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