Lettre ouverte au ROCML à propos des sept questions sans réponses

 

 

 Lettre ouverte au ROCML 

à propos des sept questions 

sans réponses
 



Bonjour, camarades!


Je reste dans l’attente des réponses aux sept questions posées dans mon précédent courrier, visant à éclaircir cette notion de « social-impérialisme soviétique » qui est encore très souvent un leitmotiv dans ce qui reste du mouvement ML en France.


Ma réponse à votre tentative sur la première question a pu vous paraitre excessivement ironique, mais il faut bien comprendre que les « développements créatifs » qui étaient à la fois implicites et explicites dans votre lettre avaient de quoi surprendre!


Toutefois, compte tenu de l’importance de l’intervention de la Russie dans les conflits actuels, il me parait essentiel de poursuivre l’analyse et le débat sur ce sujet, qui est incontestablement à l’origine de la formation du capitalisme en Russie et détermine non seulement sa nature, mais ses possibilités d’évolution.


En tant que marxistes-léninistes nous ne pouvons pas faire l’économie d’une analyse dialectique de la structuration des forces politiques, économiques et financières dans les puissances capitalistes émergentes, et d’abord dans les anciennes puissances qui se revendiquaient socialistes, ou qui se revendiquent encore comme telles, dans le cas de la Chine.


Bien que ce n’en fut pas directement le sujet, sauf pour https://tribunemlreypa.wordpress.com/2015/09/01/de-la-structuration-maoiste-de-la-bulle-chinoise/, différents articles récents sur Tribune Marxiste-Léniniste, abordent la question de l’évolution actuelle des capitalismes émergents en Russie et en Chine.
Il y a dans ces articles quelques idées qui me semblent pouvoir aider à avancer sur les questions encore sans réponses de ma précédente lettre, et que je soumets donc à votre sagacité.


Dans https://tribunemlreypa.wordpress.com/2015/10/23/de-paris-a-minsk-y-a-de-leau-dans-le-gaz-ukrainien/ il est nettement fait allusion à la réintégration du capitalisme russe aux flux financiers occidentaux et à l’influence de cette réintégration sur la politique étrangère de la Russie. Ce thème est à nouveau clairement abordé dans https://tribunemlreypa.wordpress.com/2015/10/28/tous-sur-la-syrie-mais-quest-ce-qui-fait-bouger-le-panier-de-crabes-imperialistes/.


Si l’on creuse plus spécifiquement ce sujet, on constate que cette évolution se fait sur la base d’une reprise et du développement caractéristique de « participations croisées », financières et d’accords économiques sur l’exploitation des ressources énergétiques naturelles russes.
Pour ce qui concerne la Russie, c’est le type même de développement d’un capitalisme monopoliste d’état en voie de constitution, tel que décrit par Lénine dans son célèbre ouvrage, et non la marque d’un impérialisme dominant ou simplement même en voie d’expansion réellement considérable.


Cette phase actuelle nous indique donc que d’autres formes de capitalisme, plus archaïques, étaient encore dominantes en Russie, ces dernières décennies.


Cet élément d’analyse semble cohérent avec bien d’autres concernant l’histoire du capitalisme russe depuis la chute de l’Union Soviétique, et, surtout, avec le comportement de la Russie sur la scène internationale durant cette période, en voie d’achèvement.


Il en ressort donc que ces formes de capitalisme archaïques sont essentiellement l’héritage de la décomposition de l’Union Soviétique, et qu’elles sont elles-mêmes issues des formes de capitalisme qui ont commencé à se reconstituer pendant la période révisionniste de dégénérescence de l’URSS.
Il est du reste caractéristique que les « réformes » khrouchtcheviennes et suivantes allaient non pas dans le sens d’une concentration planifiée des forces productives, mais bien au contraire, dans une logique centrifuge, propre à l’établissement de fractions locales de la petite bourgeoisie bureaucratique.
Il en va de même du développement intensif du capitalisme de « marché noir », au détriment des entreprises d’état, qui favorise la naissance des oligarchies maffieuses locales.

La reconstitution du capitalisme en URSS a donc plutôt entrainé une fragmentation et un éparpillement des force productives, et finalement la destruction d’une grande partie d’entre elles, et non la concentration nécessaire à la constitution d’un capitalisme monopoliste d’état.


Il n’y avait donc pas non plus la base économique pour une accumulation suffisante des capitaux en vue de leur exportation spéculative et massive vers un supposé « empire », qui n’était en fait qu’une zone d’influence, souvent plus dispendieuse que « rentable ». Il n’y a pas non plus de traces que cette zone d’influence ait permis une accumulation significative de capitaux en Russie. Il semble même plutôt que le coût de cette influence soit l’une des causes de la chute de l’URSS.


Néanmoins, dans la mesure où il y a détournement d’une partie de la production socialiste au profit de la petite bourgeoisie bureaucratique, il y a bien renaissance du processus d’accaparement de la plus-value, renaissance du capitalisme.


Il ne s’ensuit pas nécessairement, parce qu’il s’agit d’une petite bourgeoisie bureaucratique incrustée dans l’état, qu’il s’agisse d’un capitalisme « monopoliste » d’état. Cette renaissance, on l’a vu, s’opère au contraire principalement via diverses formes archaïques de capitalisme.
A quel moment peut-on dire que les forces productives concernées par ce processus sont devenues dominantes par rapport à celles qui restaient au service de la collectivité socialiste, cela reste du domaine de la conjecture, faute d’une étude sérieuse.


Mais quoi qu’il en soit, décréter que la petite bourgeoisie bureaucratique a reconstitué un capitalisme monopoliste d’état simplement en reprenant le contrôle politique de l’état, cela ressort d’un jeu de mot emprunté au lexique « gauchiste » du bordiguisme, puis recyclé par le révisionnisme maoïste, mais n’a aucun rapport avec l’analyse ML de la formation du processus impérialiste.


Si cette « formulation » a pu sembler avoir une fonction idéologique dans le contexte international des années 60-70, il faut bien constater que faute de correspondre à la réalité, elle a totalement manqué sa cible, si elle visait à reconstruire le mouvement ML.


Reste à caractériser correctement ce type de capitalisme effectivement bureaucratique, à défaut d’être monopoliste.


Dans la mesure où il est précisément resté à l’écart des flux financiers de l’impérialisme, et où il a servi de base arrière à de nombreux combats anti-impérialistes, même si ce fut de manière inconséquente, il peut être logiquement assimilé au processus de résistance que les différentes bourgeoisies « nationales » qu’il a soutenu ont elles-même développé, de manière tout aussi inconséquente, mais souvent avec des mesures sociales et parfois des formes embryonnaires de secteurs économiques socialistes nécessaires à leur assise populaire.


De même, peut-on faire le lien entre les survivances de cet esprit de résistance et l’expression d’une petite bourgeoisie nationaliste et nationale-progressiste dans le courant « Novorossia », courant qui se trouve désormais rejeté à l’arrière plan de la vie politique russe par la réintégration de la Russie au jeu politique et économique européen, essentiellement depuis les accords « gaziers » de cet été.


Enfin, dans la décomposition de l’URSS et la destruction des forces productives qui s’en est suivie, il faut aussi tenir compte de la tentative d’émergence d’une bourgeoisie néo-comprador qui entendait asseoir son pouvoir oligarchique sur la « vente à la découpe » du patrimoine économique russe, notamment avec la période Eltsine et la Семибоярщина. Cette phase s’est trouvée brutalement avortée par l’alliance de la bourgeoisie monopoliste encore embryonnaire et de la petite bourgeoisie nationaliste. Alliance à l’origine du « système Poutine ». Alliance désormais « rééquilibrée » au profit de la bourgeoisie monopoliste et du capitalisme monopoliste d’état en voie de développement. Alliance au sein de laquelle la bourgeoisie oligarchique « pro-occidentale » peut à nouveau tenter de jouer un rôle.


Bien entendu, il ne s’agit encore que d’une ébauche d’analyse qui nécessiterait d’être approfondie. A première vue, les catégories qui y jouent un rôles semblent assez similaires à celles qui découlent de l’analyse du capitalisme chinois développée dans https://tribunemlreypa.wordpress.com/2015/09/01/de-la-structuration-maoiste-de-la-bulle-chinoise/.
Le piège de la méthode comparative idéaliste serait alors de passer de « similaires » à « identiques » alors que le contexte de la formation de chacune d’elles est totalement différent, ainsi que leurs histoires respectives et de même pour l’histoire de leurs interactions et de leur rôle sur la scène internationale.


La principale différence réside dans le fait que la bourgeoisie « nationale » chinoise, sous ses différents avatars nationalistes et national-bureaucratiques, y a constamment joué le premier rôle, en contradiction avec les diverses factions comprador et bureaucratiques-comprador.


Alors que le destin de la Russie s’est réellement joué, pendant plusieurs décennies, entre bourgeoisie et prolétariat, même si une petite-bourgeoisie nationale-bureaucratique s’est assez vite reformée au sein de l’état prolétarien.


En Chine la classe ouvrière a concrètement cessé d’intervenir en tant que classe politiquement organisée dès la répression nationaliste réactionnaire de 1927.


A travers la rhétorique révisionniste maoïste elle n’a plus été qu’un prétexte idéologique pour manipuler les masses prolétariennes paysannes au profit de diverses factions de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie nationale-bureaucratique.
Le bref sursaut de la nouvelle « Commune de Shanghai », pendant la « révolution culturelle », sera rapidement écrasé par la bureaucratie maoïste elle-même.


En Chine le prétendu « socialisme » n’est jamais resté qu’une formule rhétorique de propagande, comme en attestent diverses « lapsus » de Mao lui-même.
En 1975, lorsque est votée une constitution prétendument basée sur la « dictature du prolétariat », cela fait déjà plusieurs années que la Chine est profondément engagée dans une politique de collaboration de classe avec l’impérialisme US.


L’évènement notable de cette période n’en est pas moins la renaissance et le retour au premier plan d’une bourgeoisie bureaucratique comprador, personnifiée par Deng Xiaoping. En réalité cette faction n’était que très provisoirement passé en arrière plan pendant la « révolution culturelle », tout en ménageant son alliance avec la bureaucratie nationale-maoïste contre les autres factions.


Quoi qu’il en soit de ces luttes intestines, l’afflux de capitaux financiers en Chine a néanmoins permis, au bout de plusieurs décennies, la constitution d’une bourgeoisie monopoliste chinoise capable de former son propre pôle financier impérialiste et de se poser en challenger pour la domination mondiale.
Cela ne résulte pas essentiellement d’un choix politique de la part de la bourgeoisie bureaucratique chinoise mais simplement de la loi d’accumulation du capital.


Le monde n’a pas cessé d’être « bipolaire » entre alliance impérialiste US/occident/Chine et camp anti-impérialiste groupé autour de l’URSS pour devenir « capitaliste multipolaire ».


La Chine est bien le seul autre pôle où le capital s’est amassé de façon suffisante pour constituer un pôle de poids comparable à l’impérialisme US.
C’est le degré d’autonomisation financière de ce pôle par rapport à l’autre qui déterminera le basculement de toutes les tensions internationales engendrées par la crise vers une cristallisation violente entre ces deux pôles.


L’ensemble des autres pôles, quelle que soit leur importance géostratégique et/ou économique, est soumis aux attractions contradictoires de ces deux pôles.
Avec la crise, même les sous-ensembles qu’ils parviennent à former ne connaissent pas de réelle stabilité, et finalement, ils seront prisonniers de leurs alliances lorsque la confrontation entre les deux pôles principaux prendra un tour décisif.


Bien entendu, on ne peut pas exclure qu’il se forme un troisième pôle. Le timide rapprochement russo-européen pourrait sembler en être un indice, mais il ne suffit pas de signer des traités. Encore faut-il réaliser le développement économique et financier qui irait avec une telle ambition. Même le développement rapide de la Chine a pris plusieurs décennies. Avec la crise, il n’existe pas d’horizon de prévisions aussi lointain.


La Russie constitue certainement un élément d’importance stratégique essentielle dans une alliance, mais elle ne saurait rapidement en constituer le pôle dirigeant.
En se rapprochant de l’Europe elle cherche actuellement à réduire sa dépendance à l’égard de la Chine, mais elle ne peut durablement le faire sans retomber dans la dépendance de l’Occident.


Si le qualificatif de « social-impérialiste » ne lui sied pas plus aujourd’hui qu’hier, il serait désormais tout à fait adapté à la Chine, par contre. S’il n’est pas entré dans les usages à son sujet, c’est tout simplement parce qu’il n’est pas non plus d’usage courant de s’illusionner sur son passé « socialiste »… Sauf pour quelques opportunistes plus ou moins stipendiés.


Pablo Leonidas


PS: A la suite et pour mémoire, le récapitulatif de notre échange précédent.

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(Correspondance remise dans l’ordre chronologique pour les lecteurs de TML)

 

Sept questions au ROCML à propos de sa « Résolution sur l’impérialisme »

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Pièces jointes au débat:

Résolution_rocml

DOC ROC

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De Pablo Leonidas à ROCML:

Envoyé : jeudi 2 juillet 2015 09:46

Bonjour, camarades,


En étudiant votre document:

http://rocml.org/resolution-imperialisme/
« Conférence du 6/7/12/2014 : Résolution sur l’impérialisme aujourd’hui »


Me viennent à l’esprit quelques interrogations, que je vous soumets, dans l’attente de votre réponse:


Il apparait clairement, en relisant le bouquin de Lénine, et pas seulement la citation « brève définition », que la transformation du capitalisme industriel « ancien » en impérialisme repose essentiellement sur les banques et le capital financier, et même spéculatif (Chap 1, §28-29-30, et 38 ds l’édition INEM ).


Il est clair que dans la fusion des deux, c’est le capital financier qui reste dominant, parce qu’il est le seul capable de réaliser non seulement les grosses concentrations monopolistes, mais aussi de tenter les exportations massives de capitaux qui conservent précisément un risque spéculatif élevé, dont le but reste le profit maximum, la rentabilité financière, l’accumulation du capital, le renouvellement et l’élargissement du cycle.


D’où déjà deux premières questions, qui portent donc sur la notion de de Capitalisme monopoliste d’état et de social-impérialisme appliquées à l’URSS:


1)Où trouve-t-on, dans l’histoire de l’URSS, ces phénomènes de fusion et de concentration, d’exportation de capitaux financiers spéculatifs, de renouvellement et d’élargissement du cycle, et en fin de compte d’accumulation du capital financier?


2)N’y aurait-il pas là, déjà, un décalage sérieux par rapport à l’analyse marxiste-léniniste de l’impérialisme?


En ce qui concerne les puissances actuelles, il ne fait aucun doute que ces critères continuent de s’appliquer aux puissances anciennes qui étaient déjà impérialistes en 1916, ainsi et surtout qu’aux USA, qui ont connu le développement exponentiel que l’on sait.


En ce qui concerne les BRICS, il ne fait aucun doute que l’on a affaire à des puissances capitalistes montantes, et comme telles, amenées à s’intégrer aux flux financiers impérialistes, et, selon leurs capacités de développement, à devenir impérialistes elles mêmes.


Mais elles ne peuvent le faire qu’en acquérant cette capacité de dominer d’autres nations par la puissance de leur propre capitalisme financier, de leurs propres exportations de capitaux, etc…


Évidemment, cela ne va pas sans un développement économique suffisant, mais cela dépend aussi de la nature de ce développement et de son degré d’autonomie financière.


Or il apparait clairement que au sein même des BRICS, au delà des parades diplomatiques, il y a déjà des relations très fortes d’interdépendance et même de domination.


Dans ce « cartel », c’est clairement la Chine qui est la puissance dominante, et tout à fait selon les critères léninistes, peut être qualifiée d’impérialiste, et même de « social-impérialiste », vu son discours idéologique officiel.


Cette catégorisation pourrait être renforcée par le fait de son hyper-développement économique et industriel, mais là se pose une nouvelle question. En effet, cette « richesse » repose essentiellement sur le commerce extérieur, qui est financé à 60% par des capitaux étrangers, et notamment US… En fait, avec un siècle de décalage, elle s’est retrouvée dans la situation décrite par Hobson dans sa prospective, et reprise par Lénine dans son livre… (Chap 8 §12) Par bien des aspects, elle est encore une semi-colonie…


D’où la 3ème question :


3)Pourquoi cette question de la domination du capital financier US n’est-elle pas abordée dans votre exposé?


En ce qui concerne le développement de la Russie actuelle, il repose essentiellement sur l’exportation de matières premières qu’elle ne peut plus utiliser elle même, vu l’état désastreux de son industrie, à la suite de l’effondrement de l’URSS. Elle en vend donc essentiellement à la Chine et à l’Europe, avec les difficultés que l’on connait, et de fait, elle se trouve dans une grande dépendance vis a vis de cette « clientèle » avide de créer les conditions d’une baisse des cours, et qui y arrive fort bien…


D’où questions 4 et 5:


4)En quoi cette situation, pour la Russie, serait la caractéristique d’une nation impérialiste?


5)Ne s’apparenterait-elle pas plutôt, elle aussi, et même davantage, à une situation de semi-colonie?


(Notamment par rapport à la Chine, au sein des « BRICS »)


De plus, sur cette base extrêmement malsaine, et en dépit du comportement extraverti de quelques « oligarques », la capacité du capital financier russe est particulièrement dérisoire, notamment à l’international, d’où, en partie l’inefficacité relative des fameuses « sanctions ». Là encore, on est loin des critères léninistes…


Il y aurait encore la question des rapports Chine-Afrique du Sud à développer, etc…


Bref, questions 6 et 7 :


6)Comment pouvez vous mettre d’un trait de plume, ou plutôt, d’un coup de clavier, les cinq « BRICS » dans le même panier « impérialiste » sans plus de discernement?


7)Et en quoi croyez vous que c’est bien là une approche dialectique marxiste-léniniste?


D’avance, merci de votre réponse.


Pablo Leonidas

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Envoyé: samedi 4 juillet 2015 à 16:59

Objet : RE: Sept questions au ROCML à props de sa « Résolution sur l’impérialisme »


Camarade,


Nous avons bien reçu tes questions critiques sur notre document « résolution sur l’impérialisme ». Bien sûr, tes questions montrent des différences ou des incompréhensions entre nous, mais ton message est fraternel et porte sur des questions réelles qui animent le mouvement communiste aujourd’hui. Nous y répondons donc volontiers dans le cadre de la lutte idéologique correcte qui doit exister entre communistes. Nous t’envoyons ici une première approche du débat. De même qu’un autre document plus développé, bien qu’antérieur. Car le document que tu interroges est une « Résolution ». Pas une analyse exhaustive. C’est un résumé de notre position. L’ analyse exhaustive, nous ne prétendons d’ailleurs pas la détenir. Cette résolution est un document politique qui affirme un positionnement général.


Sur le fond, la question principale que tu poses vient selon nous d’une confusion entre le processus du passage du capitalisme pré-monopoliste au capitalisme impérialiste tel que l’a analysé Lénine, et le processus du passage du socialisme au social-impérialisme capitaliste après la restauration des lois du profit en URSS ( début des années 1960 ).
Le socialisme en URSS ( et dans toute économie socialiste ) est caractérisé par la concentration de plus en plus totale ( compte tenu des étapes dans l’édification du socialisme ) des forces productives ( industrielles et financières. ) Financières, signifie sous le socialisme, la partie du surtravail destinée à l’élargissement des forces productives, les salaires individuels et les besoins sociaux collectifs. Les plans quinquennaux furent la concrétisation de cette économie politique socialiste.


Le processus qui a conduit du capitalisme pré- monopoliste au capitalisme monopoliste n’a rien à voir avec le processus qui a conduit du socialisme au social-impérialisme soviétique dans les années 1960 en URSS. Ce sont deux processus historiques différents.
En URSS, la concentration des forces productives socialistes était totale jusqu’au XX ème congrès du PCUS. Ce qui garantissait le caractère socialiste de la propriété des moyens de production et le caractère socialiste des rapports de production, c’était la dictature du prolétariat et l’application de l’économie politique socialiste.


La contre-révolution révisionniste kroutchévienne et l’introduction dans l’économie politique des critères de l’économie politique capitaliste a renversé les rapports sociaux et le caractère socialiste de la société. Il est alors tout à fait logique que le « monopole » du prolétariat sur les rapports de production se transforme RAPIDEMENT en monopole de la nouvelle bourgeoisie sur les moyens de production déjà concentrés. L’Etat révisionniste est devenu alors l’instrument de ces nouveaux monopoles capitalistes ( industriels, commerciaux, bancaires ). Cela s’appelle capitalisme monopoliste d’Etat. Sous une forme synthétique économico-politique, IMPERIALISME. L’Etat russe n’a fait que suivre les intérêts des monopoles issus de l’ URSS dénaturée par le capitalisme. Même affaiblis par l’éclatement de l’ex-URSS, ces monopoles sont toujours vivants et dominent l’économie et la politique intérieure et extérieure de l’Etat Russe.


Une question, camarade : Qu’y a-t-il là d’inconcevable ? Le matérialisme dialectique, c’est l’analyse concrète de la situation concrète. Le processus concret qui a mené du capitalisme pré-monopoliste à l’impérialisme ( le stade monopoliste du capitalisme ) n’est pas le même qui à mené du socialisme ( concentration des forces productives dans la propriété de l’Etat prolétarien ) en capitalisme monopoliste d’Etat ( impérialisme ).
Si tu es d’accord, nous pensons que nous devons d’abord discuter de cette question-là. Car tous le reste en découle.


ROCML

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De Pablo Leonidas à ROCML:

Envoyé: 05/07/15 à 11:17


Bonjour, camarades!


Je vous remercie d’avoir fait l’effort de répondre, même si vous semblez d’abord vouloir limiter le débat à la question 1).


Cela se comprend, dans la mesure où vous y voyez une confusion de ma part, alors que précisément j’essaye d’en revenir aux concepts basiques pour éviter les polémiques stériles.


Je reprends donc votre texte (italiques), en annotant ce que j’ai moi-même du mal à y comprendre:
« (…)Sur le fond, la question principale que tu poses vient selon nous d’une confusion entre le processus du passage du capitalisme pré-monopoliste au capitalisme impérialiste tel que l’a analysé Lénine, et le processus du passage du socialisme au social-impérialisme capitaliste après la restauration des lois du profit en URSS ( début des années 1960 ). »


La confusion n’est-elle pas plutôt ici, à la suite immédiate, dans votre réponse:
« Le socialisme en URSS ( et dans toute économie socialiste ) est caractérisé par la concentration de plus en plus totale ( compte tenu des étapes dans l’édification du socialisme ) des forces productives ( industrielles et financières. ) « 


Des « forces productives financières » !!!?
Cela semble être un concept tout à fait original…
Et la « concentration des forces productives financières »
en est donc un autre qui en découlerait, selon vous…
Et en régime socialiste…:
« Financières, signifie sous le socialisme, la partie du surtravail destinée à l’élargissement des forces productives, les salaires individuels et les besoins sociaux collectifs. »


« la partie du surtravail destinée à l’élargissement des forces productives »
Cette définition correspond plutôt au capitalisme industriel et au capital productif, et non au capital financier, précisément.


Mais explicitement, telle que vous la présentez, votre définition du socialisme repose donc en grande partie sur le développement du capital financier (par la « concentration des forces productives financières »…!) Étrange…


« Les plans quinquennaux furent la concrétisation de cette économie politique socialiste. »
Il me semble pourtant que Staline a tenté d’éclaircir ces questions dans son ouvrage:
« Les problèmes économiques du socialisme en URSS »


« Le processus qui a conduit du capitalisme pré- monopoliste au capitalisme monopoliste n’a rien à voir avec le processus qui a conduit du socialisme au social-impérialisme soviétique dans les années 1960 en URSS. Ce sont deux processus historiques différents. »


Ce qui semble indiquer que le « social-impérialisme soviétique » n’aurait donc rien à voir avec la définition léniniste du social-impérialisme, qui, elle, ne se distingue pas de la définition basique de l’impérialisme, telle que résumée dans ma lettre, sinon, par une référence purement et précisément opportuniste à une approche réformiste du socialisme.


« (…)La contre-révolution révisionniste kroutchévienne et l’introduction dans l’économie politique des critères de l’économie politique capitaliste a renversé les rapports sociaux et le caractère socialiste de la société. Il est alors tout à fait logique que le « monopole » du prolétariat sur les rapports de production se transforme RAPIDEMENT en monopole de la nouvelle bourgeoisie sur les moyens de production déjà concentrés. L’Etat révisionniste est devenu alors l’instrument de ces nouveaux monopoles capitalistes ( industriels, commerciaux, bancaires ). Cela s’appelle capitalisme monopoliste d’Etat. Sous une forme synthétique économico-politique, IMPERIALISME. »


Incontestablement, la restauration du capitalisme a pris une tournure accélérée sous la ligne politique révisionniste de Khrouchtchev. S’en est-il suivi pour autant un capitalisme monopoliste d’état?


La définition ML du CME ne va pas sans la domination du capital financier, même au sein de la fusion monopoliste. C’est la base dialectique de l’analyse du fonctionnement du CME.


Pour le processus de restauration « rapide » du capitalisme que vous décrivez, il faudrait donc que le capitalisme financier ait survécu sous le socialisme, suffisamment, en tous cas, pour que le capital financier reprenne sa domination « RAPIDEMENT »…


En un sens, c’est peut-être ce que suppose votre concept de « forces productives financières » et de leur « concentration » sous le socialisme!


« Sous une forme synthétique économico-politique, IMPERIALISME »
Que peut bien signifier cette « formule »?
« IMPERIALISME » ou « social-impérialisme soviétique » ? Dans ce passage, les deux concepts, à nouveau, n’en feraient plus qu’un…


Quoi qu’il en soit, je cherche en vain une définition précise de ce que vous entendez par « social-impérialisme ». Là où ce concept est le plus « défini », c’est apparemment dans le PDF, page 5, et en fait il s’agit toujours de cette approche de la restauration du capitalisme qui est la votre, et donc, tout à fait limitée à sa contradiction interne, n’expliquant en rien en quoi l’URSS aurait été une puissance impérialiste, sinon par son « influence » ou sa « zone d’influence », ce qui ne caractérise en rien la conception ML d’exportation de capitaux spéculatifs et d’élargissement et d’accumulation du capital financier.


« L’Etat russe n’a fait que suivre les intérêts des monopoles issus de l’ URSS dénaturée par le capitalisme. Même affaiblis par l’éclatement de l’ex-URSS, ces monopoles sont toujours vivants et dominent l’économie et la politique intérieure et extérieure de l’Etat Russe. »


De même que dans le PDF, pages 5 et 6, vous introduisez ici une certaine confusion, et même carrément un raisonnement de type « tautologique », en parlant en même temps de l’URSS dans sa période révisionniste-capitaliste et de la Russie sous sa forme néo-capitaliste post-soviétique.


Si l’on admet que l’URSS était « sociale-impérialiste », il en découlerait donc, selon vous, que la Russie post-soviétique est forcément « impérialiste »…
(et réciproquement?)
Alors que rien ne démontre ni l’un ni l’autre…


Et, en tout état de cause, il n’y aurait, de toutes façons, pas de raison particulière à suivre cette « logique », alors que vous admettez le recul économique considérable lié à l’effondrement de l’URSS, et encore accentué dernièrement.


Et en fin de compte, cette « tautologie » est notamment cohérente, en tant que telle, par le fait que vous ne répondez pas aux autres questions posées, dont, évidemment, sur ce sujet, la 4) et la 5), qui s’appuient sur le contexte économique de la Russie, et non sur un présupposé idéologique ( et tautologique…).


« Une question, camarade : Qu’y a-t-il là d’inconcevable ? Le matérialisme dialectique, c’est l’analyse concrète de la situation concrète. Le processus concret qui a mené du capitalisme pré-monopoliste à l’impérialisme ( le stade monopoliste du capitalisme ) n’est pas le même qui à mené du socialisme ( concentration des forces productives dans la propriété de l’Etat prolétarien ) en capitalisme monopoliste d’Etat ( impérialisme ). »


Jusque là, on tourne donc en rond autour de la question 1):


« 1)Où trouve-t-on, dans l’histoire de l’URSS, ces phénomènes de fusion et de concentration, d’exportation de capitaux financiers spéculatifs, de renouvellement et d’élargissement du cycle, et en fin de compte d’accumulation du capital financier? »


…Et de domination du capital financier, faut-il repréciser?
Mais cela, évidemment, est implicite dans la question, vu le § précédent:


« Il est clair que dans la fusion des deux, c’est le capital financier qui reste dominant, parce qu’il est le seul capable de réaliser non seulement les grosses concentrations monopolistes, mais aussi de tenter les exportations massives de capitaux qui conservent précisément un risque spéculatif élevé, dont le but reste le profit maximum, la rentabilité financière, l’accumulation du capital, le renouvellement et l’élargissement du cycle. »


Car il faudrait donc donner une autre définition du CME et de l’impérialisme, pour que le raisonnement que vous développez reste cohérent!


Mais une définition tout à fait « nouvelle », en quelque sorte…


Telles quelles, vos conceptions sur la « concentration des forces productives financières sous le socialisme » qui seraient en quelque sorte la base de la « restauration rapide » du capitalisme, c’est un peu le « Mac Do du marxisme », en quelque sorte…


« Si tu es d’accord, nous pensons que nous devons d’abord discuter de cette question-là. Car tous le reste en découle. »


Précisément, on vient de le voir…


Le seul (gros) problème est que la méthode consistant à isoler ce problème ne me parait pas dialectique du tout, car elle s’enferme dans cette tautologie dont on ne sort pas… (sauf, évidemment, par la « concentration des forces productives financières »…)
Dans l’attente de votre réponse, je pense utile de conclure provisoirement par cette citation, texte original et traduction:


« Поэтому диалектический метод считает, что ни одно явление в природе не может быть понято, если взять его в изолированном виде, вне связи с окружающими явлениями, ибо любое явление в любой области природы может быть превращено в бессмыслицу, если его рассматривать вне связи с окружающими условиями, в отрыве от них, и, наоборот, любое явление может быть понято и обосновано, если оно рассматривается в его неразрывной связи с окружающими явлениями, в его обусловленности от окружающих его явлений. »
Источник: Сталин И.В. Cочинения. – Т. 14. –


« C’est pourquoi la méthode dialectique considère qu’aucun phénomène de la nature ne peut être compris si on l’envisage isolément, en dehors des phénomènes environnants ; car n’importe quel phénomène dans n’importe quel domaine de la nature peut être converti en non-sens, si on le considère en dehors des conditions environnantes, si on le détache de ces conditions : au contraire, n’importe quel phénomène peut être compris et justifié, si on le considère sous l’angle de sa liaison indissoluble avec les phénomènes environnants, si on le considère tel qu’il est conditionné par les phénomènes qui l’environnent. »


En espérant que vous parviendrez à éclaircir l’ensemble de ces questions, qui sont, à l’évidence, dialectiquement liées pour une compréhension du monde actuel, et dont vous admettez vous-même qu’elles sont « des questions réelles qui animent le mouvement communiste aujourd’hui »

 

 

Pablo Leonidas

 

 

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