Une monnaie réellement socialiste sera-t-elle forcément dévalorisée ?

 

 

Une monnaie réellement socialiste

sera-t-elle forcément dévalorisée ?

 

 

 

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A l’occasion des réactions suscitées par la republication de l’article

 

Monnaie, monnaie ! Capitalisme ou Socialisme ?

 

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/12/11/monnaie-monnaie-capitalisme-ou-socialisme/

 

sur divers sites, dont

 

https://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L335xH95/siteon0-e5814.png

 

 

Monnaie, monnaie ! Capitalisme ou Socialisme ?

 

 Monnaie, monnaie ! Capitalisme ou Socialisme ?

 

« Notre société est fondamentalement absurde et profondément injuste à cause d’un système monétaire qui est, de fait, une énorme supercherie. » C’est ce que nous (…)

1564 visites 13 déc. 2017 | 8 réactions | Luniterre   + Partager

 

 

ET SUR LE SITE VLR/ MAI 68 :

 

 

 

se trouve donc posée la question de la relation entre politique monétaire et politique économique.

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/12/14/monnaie-monnaie-quelques-elements-nouveaux-au-debat-sur-agoravox-et-vlr-mai-68/

Les médias au service du système ne manquent pas une occasion de rappeler le lien à établir, selon eux, entre orientation politique sociale et dévaluation monétaire, voire carrément, faillite économique…

L’effondrement de l’URSS et du « Bloc de l’Est » étant pour eux l’illustration et la consécration de cette « thèse incontournable ».

« Thèse » renforcée par les diverses tentatives réformistes à prétentions sociales effectuées par les sociaux-démocrates et les « socialistes » occidentaux, aboutissant à des fiascos à peine moins spectaculaires…

Selon ce « principe » ce sont les choix économiques, en l’occurrence, mener une politique supposément « sociale », qui entraîne une défaillance d’abord économique et finalement monétaire…

Mais selon d’autres thèses, plus originales, ce sont les choix de politique monétaire qui conditionnent entièrement les politiques économiques.

Autrement dit, les choix de politique économique n’ont de sens que s’ils sont cohérents avec une politique monétaire pré-établie…

Ce qui pourrait passer pour une lapalissade, car effectivement on ne voit pas bien l’intérêt de mener une politique monétaire et une politique économique qui soient contradictoires !!

Mais là où ça n’est pas le cas, en fait, c’est qu’au delà de la cohérence qui s’impose, ce point de vue, considéré de façon univoque, implique que la politique économique n’a pas de possibilité réelle d’influer sur la fonction et le rôle économique de la monnaie, mais lui est au contraire totalement inféodée.

Par contre, elle vise à suggérer qu’un simple choix de politique monétaire différent pourrait ouvrir des possibilités économiques autrement inexistantes par elles mêmes, du point de vue des forces productives, et pourrait amener, par ce simple choix, un nouveau type de développement économique, éventuellement à tendance plus « sociale »…

C’est ce qui nous a été fortement suggéré, à l’occasion des « primaires de gauche », avec la « victoire » de Benoit Hamon, bâtie sur le mythe du « Revenu Universel »… Mythe étrangement sponsorisé par d’importants lobbys médiatiques, pour en arriver à ce résultat.

Mythe qui s’est fort heureusement finalement effondré avec la campagne du premier tour « pour de vrai », et avec sa « caravane du RU » supposé tester la formule, sur le modèle d’un « simulateur » qui n’ a fait que mettre en évidence l’absurdité du système.

Avec « seulement » 100 milliards d’euros supposément empruntés à la BCE, contre un coût de 400 à 600 milliards pour le « RU » (… selon ses différentes « formules » avancées au cours de la campagne électorales…), le programme de Mélenchon n’en ressort pas moins de ce type de choix politique…

Bien évidemment, en cas de « souci », en réalité plus que probable, il lui serait resté l’issue d’un « replis stratégique » à la Tsipras… Bonjour le « progrès social » !

De l’autre côté, rappelons que les lobbys ayant fait la campagne de Benoît Hamon étaient ceux qui avaient déjà fait la campagne de Hollande, cinq ans plus tôt… :

« Dans cette bataille qui s’engage, je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance. »

http://www.lejdd.fr/Election-presidentielle-2012/Actualite/L-integralite-du-discours-de-Francois-Hollande-au-Bourget-467953

Alors qu’à l’évidence, avec tous les emplâtres déjà essayés depuis des décennies, si la crise du capitalisme pouvait se régler par un tour de « magie monétaire », ça se saurait…

Quand à l’ « effondrement » de l’URSS, si la liquidation totale est bien l’œuvre de Gorbatchev, elle n’en est pas moins l’aboutissement de plus de trois décennies de destruction systématique de ses bases socialistes, depuis l’avènement du khrouchtchevisme, et sa « consécration », saluée par l’Occident, y compris « à gauche », lors du XXème Congrès du PCUS, en 1956.

Alors que quatre ans plus tôt, au XIXème Congrès, et dernier du Parti Bolchévique, à proprement parler, c’est un nouveau pas en avant de la construction socialiste qui était proposé, faisant le bilan des acquis et des difficultés passées, l’URSS étant néanmoins à l’apogée de sa puissance, malgré les destructions et les sacrifices consentis pour vaincre le nazisme.

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/06/20/le-dernier-congres-bolchevique-ou-sest-exprimee-la-ligne-marxiste-leniniste/

Et alors qu’en Occident, jusque dans les partis «communistes » français et italiens, alors les premiers partis dans leurs pays respectifs, on avait capitulé devant le roi dollar et son expansionniste « Plan Marshall »,

https://tribunemlreypa.wordpress.com/doctrine-jdanov-les-bonnes-feuilles-commentees-selon-eduscol-du-rapport-jdanov-de-1947/

l’URSS, non seulement ne renonçait pas à son indépendance monétaire, mais se préparait bel et bien, selon les recherches actuelles des historiens russes, à se séparer carrément du dollar comme monnaie de réserve, pour lui substituer une « zone rouble » dépassant déjà les frontières, non seulement de l’URSS, mais aussi de l’Europe de l’Est, pour s’étendre à d’autres nations « occidentales », mais désireuses d’échapper aux griffes de l’Oncle Sam…

ЗА ЧТО УБИЛИ СТАЛИНА

http://www.specnaz.ru/articles/195/27/1743.htm

Il est plus clair ainsi qu’un retour aux fondamentaux du marxisme concernant l’utilisation maîtrisée de la loi de la valeur pour la période de transition n’était non seulement pas un handicap économique d’aucune sorte, mais au contraire une base solide pour établir le rouble à la fois comme unité de compte de la valeur-travail en URSS et comme monnaie de réserve, adossée à un développement économique endogène, indépendant et équilibré, permettant de négocier sur une base bilatérale équitable, aussi bien avec les autres nations socialistes qu’avec toutes celles réellement éprises d’indépendance.

Dès sa prise de pouvoir en 1953, et avant même de commencer ses « réformes » contre-révolutionnaires et néo-trotskystes de type « socialisme de marché », c’est ce premier volet de la nouvelle politique économique socialiste que Khrouchtchev s’est empressé de liquider, donnant des gages à l’Oncle Sam de sa fidélité au roi dollar comme monnaie de réserve…

Concernant les « mystères » historiques encore réellement assez opaques de cette étonnante prise de pouvoir, une bonne partie des historiens russes, aujourd’hui, n’hésitent pas à y voir une relation de cause à effet… !

Concernant les considérations « économiques » développées par de pseudos « marxistes-léninistes » français, on se rappellera, à ce propos, la désopilante « avancée théorique » du pathétique « Collectif Défense » :

« Lorsque, sous le socialisme, les prix des marchandises diminuent sous l’effet de la loi de la valeur à cause de la diminution des coûts de production, les salaires sont valorisés, le pouvoir d’achat augmente et la loi de la valeur perd de son intensité et finit par disparaître à terme, car le pouvoir d’achat augmente alors que la monnaie se dévalorise. Ainsi, soit c’est la force de travail qui se dévalorise avec le capitalisme à cause de la diminution des coûts de production et de l’augmentation de la productivité, soit c’est la monnaie avec le socialisme pour les mêmes causes et avec les mêmes lois, mais avec un objectif différent, celui de libérer les travailleurs au lieu de les asservir. »

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/04/02/loi-de-la-valeur-pour-eclaircir-le-debat-du-collectif-defense-2eme-volet/

On avait déjà vu, précédemment, la grande nouveauté « gauchiste » de la Wertkritik selon laquelle le développement du chômage massif menait tout droit à « l’abolition du travail », et dans la foulée, de la loi de la valeur et de l’argent, tant qu’à faire…

On avait alors rappelé le comique ancien Ferdinand Lop, qui, à la suite de Rochefort, avait mis à son programme « l’extinction du paupérisme après dix heures du soir »…

Et on avait donc redécouvert, avec le « Collectif Défense » et ses semblables, que selon leur prétendu « socialisme » la monnaie se dévalorise, avec pour objectif « de libérer les travailleurs au lieu de les asservir. »

A tous points de vues, et d’abord idéologique, une véritable « monnaie de singes »…

Luniterre

 

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ANNEXES:

Également en doc PDF:

ANNEXES

 

L’édition de 1955 du Manuel de l’Académie des Sciences de l’URSS est la dernière à contenir encore des traces de l’orientation issue des débats du XIXème Congrès. Toutefois le principe des échanges directs, sans utilisation de la monnaie, et qui avaient été un des enjeux de ces débats, n’y figure déjà plus de manière explicite. L’année suivante, au XXème Congrès, c’est l’ensemble qui est remis en cause par les khrouchtcheviens. La liquidation totale des SMT et donc de ces échanges sera bientôt engagée, et définitive, à partir de 1959.

 A la suite, quelques extraits significatifs de l’édition 1955, ainsi que de l’ouvrage de préparation du XIXème Congrès, « Les problèmes économiques du socialisme en URSS » :

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32.4. La monnaie et ses fonctions dans l’économie socialiste.

 

Dans la société socialiste, la monnaie est une nécessité puis qu’existent une production marchande et la loi de la valeur.

« Avant la révolution socialiste, les socialistes écrivaient qu’il serait impossible de le supprimer immédiatement [l’argent], […] Il faut de très nombreuses conquêtes techniques et, ce qui est beaucoup plus difficile et plus important, des progrès dans l’organisation, pour supprimer l’argent ; […]

Pour le supprimer, on doit organiser la répartition des produits alimentaires pour des centaines de millions d’hommes ; c’est une affaire de longue haleine. »

V. Lénine, « Comment on trompe le peuple avec les mots d’ordre de liberté et d’égalité », Discours prononcé au 1er Congrès de l’enseignement extra-scolaire de Russie, Œuvres, t. 29, p. 361.

P. 371.

En régime socialiste, la monnaie change complètement de nature conformément aux besoins du développement de l’économie socialiste. À la différence de ce qui se passe en régime capitaliste, où elle se transforme en capital et est un moyen de s’approprier le travail non rémunéré d’autrui, la monnaie, dans la société socialiste, est un moyen d’organiser l’édification économique dans l’intérêt des masses populaires conformément aux exigences de la loi économique fondamentale du socialisme. Elle exprime les rapports de production socialistes.

En régime socialiste, la monnaie joue le rôle d’équivalent général dans l’ensemble de l’économie nationale. La forme monétaire est utilisée non seulement pour la circulation des articles de consommation et des moyens de production qui sont des marchandises, mais aussi pour la circulation économique des moyens de production qui, n’étant pas au fond des marchandises, conservent néanmoins la forme marchandise. L’unité de l’économie nationale de la société socialiste, la liaison indissoluble et l’interdépendance de la production des moyens de production et de celle des articles de consommation, ainsi que de l’industrie d’État et de la production kolkhozienne, exigent une mesure unique pour l’expression et le calcul du travail social dépensé dans la production. Dans la société socialiste, où existent deux formes de propriété socialiste, cette mesure universelle du travail social ne peut être que la monnaie.

Si, en régime capitaliste, la monnaie est l’instrument d’un recensement spontané du travail social, qui s’effectue à l’insu des producteurs par l’intermédiaire des fluctuations du marché, dans l’économie socialiste la monnaie est l’instrument économique de la gestion planifiée de l’économie ; elle sert la production et la répartition du produit social.

Par conséquent, dans la société socialiste, la monnaie est l’équivalent général, l’instrument économique de la planification de l’économie nationale, le moyen permettant d’assurer un recensement et un contrôle d’ensemble de la production et de la répartition du produit social, ainsi que de la mesure du travail et de la rémunération.

La nouvelle nature de la monnaie en régime socialiste s’exprime par le fait qu’en conservant son ancienne forme, elle change de contenu social et de destination par rapport aux fonctions de la monnaie en régime capitaliste.

La monnaie remplit avant tout la fonction de mesure de la valeur des marchandises, c’est-à-dire qu’elle sert à mesurer la quantité de travail social qu’elles renferment. En régime socialiste, l’existence de deux formes principales de production socialiste fait que le bilan de l’activité économique d’une entreprise, la comparaison des résultats du travail des entreprises et des branches fournissant des produits différents, le volume de la production de diverses branches de l’économie nationale et de l’économie nationale dans son ensemble ne peuvent être exprimés qu’en monnaie. Comme les moyens de production, sans être des marchandises, gardent la forme marchandises et la forme valeur, la monnaie dans sa fonction de mesure de la valeur permet aussi de calculer le travail social dépensé pour produire les moyens de production.

On sait que seule une marchandise-monnaie, ayant une valeur propre, peut remplir le rôle de mesure de la valeur. Cette marchandise-monnaie, c’est l’or.

En Union soviétique comme dans les autres pays du camp socialiste, c’est l’or qui joue le rôle d’équivalent général. La monnaie soviétique a une teneur en or et est une monnaie-or. Dans la société socialiste, la monnaie ne peut remplir sa fonction de mesure de la valeur des marchandises qu’en vertu de cette liaison avec l’or. Lénine rattachait l’abolition de la monnaie-or à la victoire du socialisme à l’échelle mondiale.

Pour le moment, disait-il, il faut nous montrer ménagers de l’or en R.S.F.S.R., le vendre aussi cher que possible et acheter avec cet or des marchandises aussi bon marché que possible.

V. Lénine, « Sur le rôle de l’or aujourd’hui et après la victoire complète du socialisme », Œuvres, t. 33, p. 109.

Partant du fait que l’or se présente comme un équivalent général, l’État soviétique a, lors de la réforme monétaire de 1922-1924, fixé la teneur en or du rouble. Par la suite, celle-ci a été fixée d’une manière indirecte en établissant le cours du rouble soviétique par rapport au franc, puis au dollar. En 1950, l’augmentation du pouvoir d’achat du rouble et la diminution du pouvoir d’achat du dollar et des autres monnaies capitalistes ont incité l’État soviétique à fixer directement à 0,222 168 gramme d’or la teneur en or du rouble. Le cours de celui-ci par rapport aux monnaies étrangères a été relevé en conséquence.

L’État soviétique extrait et accumule l’or en tant que monnaie mondiale pour le commerce avec les pays du marché mondial capitaliste, comme avec les pays du marché mondial du camp socialiste.

Il utilise la monnaie dans sa fonction de mesure de la valeur comme le moyen d’assurer la direction planifiée, le recensement et le contrôle de la production et de la répartition du produit social, comme l’instrument permettant de réaliser la gestion équilibrée. Ainsi, la confrontation des prix de revient planifiée et réels permet d’élucider les raisons pour lesquelles le prix de revient planifié a été dépassé et d’arrêter les mesures nécessaires pour abaisser le prix de revient et accroître la rentabilité de l’entreprise.

Comme mesure de la valeur, la monnaie est pour l’État socialiste un élément de la planification des prix. Dans l’économie socialiste, le prix est l’expression monétaire, déterminée par le plan, de la valeur d’une marchandise.

Dans l’économie socialiste, la monnaie sert aussi d’étalon des prix. En U.R.S.S., l’étalon des prix est le rouble.

En régime socialiste la monnaie est un moyen de circulation. C’est en cette qualité qu’elle intervient lors de la vente et de l’achat des articles de consommation courante et qu’elle est mise à profit pour développer la circulation des marchandises.

Dans l’économie socialiste, la monnaie est un moyen de paiement, quand il s’agit, par exemple, de payer leur salaire aux ouvriers et aux employés, et aussi de verser leur revenu en argent aux kolkhoziens, quand les entreprises socialistes obtiennent des avances ou les remboursent, quand on acquitte les impôts. L’État socialiste utilise la monnaie, moyen de paiement, pour contrôler l’activité des entreprises socialistes. Ainsi, les banques ne délivrent de l’argent à ces dernières que dans la mesure où elles ont exécuté leur plan de production. En exigeant le remboursement des prêts à la date prévue, la banque stimule l’accomplissement du plan par l’entreprise, faute de quoi celle-ci ne peut réunir les fonds nécessaires pour se libérer de sa dette.

En régime socialiste, la monnaie est un moyen d’accumulation socialiste et d’épargne. Les entreprises d’État et les kolkhoz déposent leur argent en banque. Les revenus, sous leur forme monétaire, et l’argent liquide des entreprises et des organisations sont utilisés pour concourir à l’accumulation socialiste, développer la production, constituer des réserves, satisfaire les besoins matériels et culturels de la population. Le bien-être croissant des travailleurs entraîne une augmentation de leurs économies, qui sont déposées à la caisse d’épargne.

Dans la société socialiste, l’or est une monnaie universelle. La réserve-or est avant tout une réserve de monnaie universelle dont l’État dispose, en tant que moyen d’achat et de paiement, pour le règlement de ses comptes internationaux en matière de commerce extérieur.

La stabilité de la monnaie soviétique est garantie non seulement par une réserve en or, mais encore et surtout par l’énorme quantité de marchandises concentrées entre les mains de l’État et mises en circulation aux prix fermes fixés par le plan. Aucune monnaie capitaliste ne possède une couverture aussi solide.

(NDLR: A cette époque, la garantie or d’une monnaie était encore une sécurité importante, mais déjà plus essentielle, par rapport à l’équilibre économique du pays. Cette dernière clause était donc clairement une anticipation sur la nécessité de faire face au dollar. Résistance aussitôt abandonnée par l’arrivée au pouvoir de Khrouchtchev…)

http://www.d-meeus.be/marxisme/manuel/chap32sect04.html    )

 

 

32.1. La nécessité de la production marchande en régime socialiste ; ses particularités.

La nécessité de la production marchande en régime socialiste résulte de l’existence de deux formes essentielles de production socialiste : la forme étatique et la forme kolkhozienne. Dans les entreprises d’État, les moyens de production et les objets produits sont propriété du peuple tout entier. Dans les kolkhoz, les moyens de production (bêtes de trait et bétail de rapport, matériel agricole, bâtiments d’exploitation, semences, etc.) et les produits obtenus sont propriété d’un groupe, propriété coopérative-kolkhozienne. Les moyens principaux, déterminants de la production agricole (la terre et les machines des S.M.T.), sont propriété d’État. La production des entreprises d’État appartenant à l’État socialiste, alors que celle des kolkhoz appartient à ces derniers, les relations économiques entre l’industrie et l’agriculture prennent nécessairement la forme d’échanges de marchandises par achat et vente. Et comme toujours quand il s’agit d’achat et de vente, le producteur de marchandises perd son droit de propriété sur la marchandise au profit de celui qui l’a acquise.

Lénine a indiqué que « échange des produits de la grande industrie (“socialisée”) contre les produits paysans, telle est la substance économique du socialisme » (V. Lénine, « Plan de la brochure L’Impôt en nature », Œuvres, t. 32, p. 342) ; que l’échange des marchandises permet de vérifier la justesse des rapports qui existent entre l’industrie et l’agriculture, entre la classe ouvrière et la paysannerie. Cette thèse de Lénine reste vraie pour toute la première phase du communisme. C’est avant tout dans les kolkhoz et chez les kolkhoziens, par la circulation marchande, par voie de stockage et d’achats, que l’État soviétique se procure des denrées alimentaires pour la population des villes et des matières premières pour l’industrie. À leur tour, les kolkhoz et les kolkhoziens ne peuvent se procurer l’argent dont ils ont besoin pour acquérir des produits industriels qu’en vendant leur production marchande à l’État, aux coopératives et sur les marchés kolkhoziens.

Ainsi, les produits agricoles et les matières premières que l’État et les coopératives reçoivent du secteur kolkhozien par voie de stockage et d’achats, aussi bien que les denrées agricoles vendues sur les marchés kolkhoziens par les kolkhoz et les kolkhoziens, sont des marchandises. Il en est de même pour les articles industriels, et surtout les objets de consommation individuelle, produits par les entreprises d’État et achetés par les kolkhoz et les kolkhoziens. Étant des marchandises, les produits industriels et agricoles de consommation courante parviennent à la population urbaine également par l’achat et la vente. Dans ce cas, les marchandises cessent d’être la propriété de l’État ou des coopératives ou la propriété personnelle des kolkhoziens pour devenir la propriété personnelle des ouvriers et des employés.

La production marchande est, en régime socialiste, une production marchande d’un type à part, une production marchande sans propriété privée des moyens de production, sans capitalistes. Elle est, dans l’essentiel, le fait de producteurs socialistes collectifs (État, kolkhoz, coopératives). Grâce à ces conditions économiques déterminantes que sont la propriété sociale des moyens de production, l’abolition du salariat et de l’exploitation de l’homme par l’homme, elle se trouve placée, en régime socialiste, dans des limites déterminées. Elle ne peut se transformer en production capitaliste ; elle est au service de la société socialiste.

La production marchande n’a pas ici une extension aussi illimitée et universelle qu’en régime capitaliste. En régime socialiste, la sphère de la production et de la circulation marchandes est limitée principalement aux objets de consommation individuelle ; la force de travail n’est pas une marchandise ; la terre et le sous-sol sont la propriété de l’État et ne peuvent être ni vendus, ni achetés. Les entreprises d’État — usines, fabriques, mines, centrales électriques avec leurs fonds fixes essentiels (instruments de production, bâtiments, installations, etc.) — ne sauraient être vendues ou achetées ; elles ne peuvent être remises par une organisation d’État à une autre qu’en vertu d’une autorisation spéciale, et ne sont donc pas des marchandises susceptibles d’être vendues et achetées.

Les moyens de production fabriqués dans le secteur d’État : machines, métaux, charbon, pétrole, etc., sont répartis pour la plupart entre les entreprises d’État. Les plans de l’économie nationale prévoient l’attribution à chaque entreprise de fonds matériels dont le montant est déterminé par son programme de production. Ces fonds sont fournis par les entreprises productrices aux entreprises consommatrices en vertu de contrats passés entre elles. Quand des moyens de production sont livrés à telle ou telle entreprise, l’État socialiste en conserve l’entière propriété. Lorsque des directeurs d’entreprise ont reçu de l’État socialiste des moyens de production, ils n’en deviennent pas pour autant les propriétaires ; ils sont les représentants de l’État, chargés par lui de les utiliser conformément aux plans qu’il a établis. Les machines agricoles essentielles : tracteurs, moissonneuses-batteuses, etc., ne sont pas vendues aux kolkhoz mais concentrées dans des entreprises d’État : les stations de machines et de tracteurs, qui les utilisent pour desservir les kolkhoz.

Les moyens de production achetés par les coopératives de production, les kolkhoz et les kolkhoziens : véhicules automobiles, équipements destinés à l’exploitation collective du kolkhoz, ciment, fer, briques, charbon, bois de charpente, machines agricoles simples et matériel divers, sont des marchandises. Les moyens de production vendus aux États étrangers le sont également. Dans ces cas, il y a vente et achat ; les marchandises changent de propriétaires.

Ainsi, les moyens de production fabriqués par des entreprises d’État et répartis à l’intérieur du secteur d’État ne sont pas, en fait, des marchandises. Mais étant donné que les objets de consommation, les matières premières agricoles et une partie des moyens de production sont des marchandises et que l’économie socialiste forme un tout dont les parties constituantes sont étroitement liées, les moyens de production circulant à l’intérieur du secteur d’État conservent, eux aussi, la forme marchandise. Ils sont donc exprimés en valeur et évalués en termes monétaires, ce qui est indispensable pour la réalisation de la gestion équilibrée, pour le recensement et la comptabilité.

( http://www.d-meeus.be/marxisme/manuel/chap32sect01.html  )

 

 

 

35.3. L’exploitation collective des kolkhoz. La planification de la production kolkhozienne.

 

Libérés de la nécessité de dépenser des sommes considérables pour acheter ou louer de la terre, ainsi que pour se procurer les principaux moyens de production, les kolkhoz peuvent utiliser leurs revenus croissants pour développer leur exploitation collective. L’exploitation collective du kolkhoze, organisée sur des terres appartenant à l’État, met en œuvre l’outillage moderne concentré dans les S.M.T. et qui est la propriété du peuple entier. Les moyens de production de l’artel et les produits obtenus par lui sont propriété coopérative-kolkhozienne.

Conformément à la nature de l’artel agricole, entreprise de type coopératif, les moyens de production socialisés font partie du fonds indivis du kolkhoz. Le fonds indivis du kolkhoz comprend les instruments de travail du kolkhoz, le bétail de trait et le bétail de rapport, les bâtiments, les moyens de transport, les entreprises auxiliaires, les plantations diverses, les ouvrages d’irrigation, les matériaux et l’argent destinés à développer l’économie collective. Il convient d’y ajouter les bâtiments à destination sociale et culturelle (clubs kolkhoziens, salles de lecture, jardins d’enfants, etc.) L’augmentation constante de fonds indivis est la condition essentielle du développement de l’économie collective des kolkhoz, de l’accroissement de la richesse kolkhozienne.

Les kolkhoz consacrent leurs ressources à construire des locaux d’exploitation, des étables, des canaux d’irrigation et d’assèchement, des réservoirs d’eau, à défricher le sol, à édifier des centrales électriques kolkhoziennes et d’autres ouvrages. Les fonds investis par eux dans l’économie collective, qu’il s’agisse de leurs ressources propres ou du travail des kolkhoziens, sans compter les dépenses effectuées pour augmenter le cheptel, se sont élevés à environ 40 milliards de roubles en 1946-1950 et à 52 milliards en 1951-1954. Les kolkhoz ont en outre dépensé plus de 11 milliards de roubles en 1946-1950, et 6 milliards en 1951-1954 pour accroître leur bétail collectif et leur volaille.

Grandes entreprises socialistes, les kolkhoz doivent être gérés selon un plan ; ils ne sauraient exister et se développer spontanément. Le développement planifié de l’économie collective des kolkhoz dans la voie d’un essor continu est la base de l’élévation du niveau de vie matérielle et culturelle des kolkhoziens. Faisant partie du système de l’économie socialiste, les kolkhoz doivent, en développant le plus possible leur exploitation collective, accroître toujours plus leur production marchande dans la proportion nécessaire à l’approvisionnement des villes et des centres industriels, aux besoins du commerce extérieur et à la création de réserves. On applique dans les kolkhoz une planification à long terme visant à promouvoir un essor rapide de l’agriculture dans les délais les plus brefs et en fonction de laquelle sont dressés les plans annuels.

Le point de départ de la planification par l’État de la production kolkhozienne est la planification de la production marchande mise par les kolkhoz à la disposition de l’État.

La production marchande des kolkhoz s’accroît en même temps que l’économie collective. La gestion planifiée de l’agriculture prévoit la nécessité d’une utilisation plus productive des terres cultivées. L’indice le plus important des résultats de l’activité économique des kolkhoz est l’obtention du maximum de production globale de l’agriculture et de l’élevage pour 100 hectares de terre (labours, prés, pâturages) et par journée-travail dépensée.

Le plan d’État de développement de l’économie rurale prévoit un accroissement des livraisons à l’État des produits de l’agriculture et de l’élevage au titre des stockages obligatoires d’État, du paiement en nature des S.M.T., du règlement des contrats et des achats. Les S.M.T. se voient fixer le volume des travaux à effectuer à l’aide de tracteurs dans les kolkhoz. Les kolkhoz doivent, avec le concours des S.M.T., prévoir dans leur plan un niveau de production qui assure l’exécution intégrale des tâches assignées par le plan d’État pour la livraison et la vente à l’État des produits de l’agriculture et de l’élevage, et l’entière satisfaction des besoins de l’économie collective et des kolkhoziens eux-mêmes. Ils déterminent à cet effet, comme ils l’entendent, la superficie des emblavures, le niveau des rendements, le cheptel par espèces et la productivité de l’élevage, le système des mesures agrotechniques et zootechniques. Les plans d’ensemencement et d’élevage sont discutés et ratifiés par les assemblées générales des kolkhoziens.

Ce mode de planification développe l’initiative des kolkhoz en vue d’obtenir le maximum de produits par hectare de terrain. Il renforce en même temps la responsabilité des kolkhoz et des S.M.T. quant à la livraison à l’État de la quantité nécessaire de produits de l’agriculture et de l’élevage.

Ce mode de planification est appelé à accroître chez les kolkhoziens et les travailleurs des S.M.T. l’intérêt pour un développement dans les kolkhoz d’une économie à branches multiples, compte tenu des conditions naturelles et économiques des diverses régions du pays, et à multiplier les initiatives en ce sens.

L’un des grands avantages des entreprises agricoles socialistes est qu’elles peuvent développer une économie à branches multiples qui permet d’associer rationnellement les différentes branches de la production rurale, avant tout l’agriculture et l’élevage et d’obtenir le maximum de production à l’hectare. Dans les kolkhoz qui combinent judicieusement, en conformité avec les conditions naturelles et économiques de la région, la production des céréales, des plantes industrielles, des fourrages et des légumes, ainsi que l’élevage, la main-d’œuvre est utilisée de façon plus complète et plus régulière au cours de l’année, les indices de productivité du travail et les revenus sont plus élevés. Les rentrées de fonds se font plus régulièrement tout au long de l’année, ce qui permet de financer en temps voulu les mesures économiques appliquées.

L’économie à branches multiples n’abolit pas, mais suppose au contraire la spécialisation des régions, des districts et des exploitations elles-mêmes par branche, par culture et par espèce de bétail. Une gestion rationnelle de l’exploitation rurale socialiste exclut aussi bien l’universalisme de la petite agriculture où l’on cultive de tout, principalement en vue de la consommation propre, que le développement unilatéral des exploitations capitalistes, qui se spécialisent généralement dans une culture déterminée (monoculture).

La spécialisation de l’économie rurale socialiste signifie, premièrement, l’utilisation la plus complète des conditions naturelles et économiques concrètes propres à chaque région et district pour obtenir méthodiquement un produit nécessaire à la société (tel le coton dans les républiques soviétiques d’Asie centrale) ; deuxièmement, une combinaison judicieuse des branches économiques d’activité fondamentales et complémentaires et avant tout de l’agriculture et de l’élevage, des cultures céréalières, industrielles et potagères ; troisièmement, selon les particularités régionales, un choix de cultures et de bétail tel qu’il assure le maximum de produits de haute qualité avec le minimum de dépenses en travail et en moyens par unité de produit.

La répartition planifiée de la production rurale dans le pays doit répondre, elle aussi, à ces exigences. Tout schématisme dans la répartition géographique des cultures et des variétés de bétail, toute application uniforme des assolements et de l’agrotechnique ne tenant pas compte des particularités naturelles et économiques de la région va à l’encontre des principes d’une gestion rationnelle de l’économie socialiste planifiée.

http://www.d-meeus.be/marxisme/manuel/chap35sect03.html  )

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« LES PROBLÈMES ÉCONOMIQUES DU SOCIALISME EN URSS »

Le texte intégral en PDF:

Les problèmes économiques du socialisme en URSS

Pages 7 à 10_

« On ne peut pas non plus considérer comme une réponse l’opinion d’autres pseudo marxistes qui pensent qu’il conviendrait peut-être de prendre le pouvoir, de procéder à l’expropriation des petits et moyens producteurs à la campagne et de socialiser leurs moyens de production. Les marxistes ne peuvent pas non plus s’engager dans cette voie insensée et criminelle qui enlèverait à la révolution prolétarienne toute possibilité de victoire et rejetterait pour longtemps la paysannerie dans le camp des ennemis du prolétariat.

Lénine a répondu à cette question dans ses ouvrages sur « l’impôt en nature » et dans son fameux « plan coopératif ». La réponse de Lénine se ramène brièvement à ceci :

a) ne pas laisser échapper les conditions favorables à la prise du pouvoir ; le prolétariat prendra le pouvoir sans attendre le moment où le capitalisme sera en mesure de ruiner les millions de petits et moyens producteurs individuels ;

b) exproprier les moyens de production dans l’industrie et les remettre en possession du peuple ;

c)pour les petits et moyens producteurs individuels, on les groupera progressivement en des coopératives de production, c’est-à-dire en de grosses entreprises agricoles, les kolkhozes ;

d)développer par tous les moyens l’industrie et assigner aux kolkhozes une base technique moderne, celle de la grande production ; ne pas les exproprier mais, au contraire, les fournir abondamment de tracteurs et autres machines de premier ordre ;

e) pour assurer l’alliance économique de la ville et des campagnes, de l’industrie et de l’agriculture, on maintiendra pour un temps la production marchande (échange par achat et vente), comme la forme la seule acceptable pour les paysans des relations économiques avec la ville, et on développera à fond le commerce soviétique, le commerce d’État et le commerce coopératif et kolkhozien, en éliminant du commerce tous les capitalistes.

L’histoire de notre édification socialiste montre que cette voie de développement, tracée par Lénine, s’est entièrement vérifiée.

Il ne peut faire de doute que pour tous les pays capitalistes qui possèdent une classe plus on moins nombreuse de petits et moyens producteurs, cette voie de développement est la seule possible et rationnelle pour la victoire du socialisme.

On dit que la production marchande doit néanmoins, en toutes circonstances, aboutir et aboutira absolument au capitalisme. Cela est faux. Pas toujours ni en toutes circonstances ! On ne peut identifier la production marchande à la production capitaliste. Ce sont deux choses différentes. La production capitaliste est la forme supérieure de la production marchande. La production marchande ne conduit au capitalisme que si la propriété privée des moyens de production existe ; que si la force de travail apparaît sur le marché comme une marchandise que le capitaliste peut acheter et exploiter pour la production ; que si, par conséquent, il existe au pays un système d’exploitation des ouvriers salariés par les capitalistes. La production capitaliste commence là où les moyens de production sont détenus par des particuliers, tandis que les ouvriers, dépourvus des moyens de production, sont obligés de vendre leur force de travail comme une marchandise. Sans cela, il n’y a pas de production capitaliste.

Et bien, si ces conditions ne sont pas réunies, qui transforment la production marchande en production capitaliste, si les moyens de production ne sont plus une propriété privée, mais la propriété socialiste, si le salariat n’existe pas et la force de travail n’est plus une marchandise, si le système d’exploitation a été depuis longtemps aboli, comment faire alors : peut-on considérer que la production marchande aboutira quand même au capitalisme ? Évidemment non. Or, notre société est précisément une société où la propriété privée des moyens de production, le salariat et l’exploitation n’existent plus depuis longtemps.

On ne peut pas considérer la production marchande comme une chose se suffisant à elle-même, indépendante de l’ambiance économique. La production marchande est plus vieille que la production capitaliste. Elle existait sous le régime d’esclavage et le servait, mais n’a pas abouti au capitalisme. Elle existait sous le féodalisme et le servait, sans toutefois aboutir au capitalisme, bien qu’elle ait préparé certaines conditions pour la production capitaliste. La question se pose : pourquoi la production marchande ne peut-elle pas de même, pour un temps, servir notre société socialiste sans aboutir au capitalisme, si l’on tient compte que la production marchande n’a pas chez nous une diffusion aussi illimitée et universelle que dans les conditions capitalistes ; qu’elle est placée chez nous dans un cadre rigoureux grâce à des conditions économiques décisives comme la propriété sociale des moyens de production, la liquidation du salariat et du système d’exploitation ?

On dit qu’après que la propriété sociale des moyens de production s’est installée dans notre pays et que le salariat et l’exploitation ont été liquidés, la production marchande n’a plus de sens, qu’il faudrait pas conséquent l’éliminer.

Cela est également faux. A l’heure actuelle, il existe chez nous deux formes essentielles de production socialiste : celle de l’État, c’est-à-dire du peuple entier, et la forme kolkhozienne, que l’on ne peut pas appeler commune au peuple entier. Dans les entreprises d’État, les moyens de production et les objets fabriqués constituent la propriété du peuple entier. Dans les entreprises kolkhoziennes, bien que les moyens de production (la terre, les machines) appartiennent à l’État, les produits obtenus sont la propriété des différents kolkhozes qui fournissent le travail de même que les semences ; les kolkhozes disposent pratiquement de la terre qui leur a été remise à perpétuité comme de leur bien propre, quoiqu’ils ne puissent pas la vendre, l’acheter, la donner à bail ou la mettre en gage.

L’État ne peut donc disposer que de la production des entreprises d’État, les kolkhozes bénéficiant de leur production comme de leur bien propre. Mais les kolkhozes ne veulent pas aliéner leurs produits autrement que sous la forme de marchandises, en échange de celles dont ils ont besoin. Les kolkhozes n’acceptent pas aujourd’hui d’autres relations économiques avec la ville que celles intervenant dans les échanges par achat et vente de marchandises. Aussi la production marchande et les échanges sont-ils chez nous, à l’heure actuelle, une nécessité pareille à celle d’il y a trente ans, par exemple, époque à laquelle Lénine proclamait la nécessité de développer par tous les moyens les échanges.

Certes, lorsqu’au lieu de deux principaux secteurs de production, État et kolkhozes, il se formera un seul secteur universel investi du droit de disposer de tous les produits de consommation du pays, la circulation des marchandises avec son « économie monétaire » aura disparu comme un élément inutile de l’économie nationale. D’ici là, aussi longtemps que les deux principaux secteurs de production existeront, la production marchande et la circulation des marchandises resteront en vigueur comme un élément nécessaire et très utile dans le système de notre économie nationale. Comment sera-t-il procédé à la formation d’un seul secteur universel ? Par simple absorption du secteur kolkhozien dans le secteur d’État, ce qui est peu probable (ceci pouvant être considéré comme une expropriation des kolkhozes), ou par la constitution d’un seul organisme économique national (avec des représentants de l’industrie d’État et des kolkhozes), ayant le droit d’abord de recenser tous les produits de consommation du pays et, avec le temps, de répartir la production, par exemple, sous forme d’échange des produits ? C’est là une autre question qui demande un examen à part.

Par conséquent, notre production marchande n’est pas une production marchande ordinaire, elle est d’un genre spécial, une production marchande sans capitalistes, qui se préoccupe pour l’essentiel des marchandises appartenant à des producteurs socialistes associés (État, kolkhozes, coopératives), et dont la sphère d’action est limitée à des articles de consommation personnelle, qui ne peut évidemment pas se développer pour devenir une production capitaliste et doit aider, avec son « économie monétaire », au développement et à l’affermissement de la production socialiste.

Aussi ont-ils absolument tort, ceux qui déclarent que, du moment que la société socialiste maintient les formes marchandes de la production, il y a lieu, soit-disant, de rétablir chez nous toutes les catégories économiques propres au capitalisme : la force de travail comme marchandise, la plus-value, le capital, le profit du capital, le taux moyen du profit, etc. Ces camarades confondent la production marchande avec la production capitaliste et estiment que, du moment qu’il y a production marchande, il doit y avoir aussi production capitaliste. Ils ne comprennent pas que notre production marchande se distingue foncièrement de la production marchande sous le capitalisme.

Bien plus, je pense qu’il faut renoncer à certaines autres notions empruntées au Capital , où Marx se livrait à l’analyse du capitalisme, et artificiellement accolées à nos rapports socialistes. Je veux parler entre autres de notions telles que le travail « nécessaire » et le « surtravail », le produit « nécessaire » et le « surproduit », le temps « nécessaire » et le « temps extra ». Marx a analysé le capitalisme afin d’établir l’origine de l’exploitation de la classe ouvrière, la plus-value, et de fournir à la classe ouvrière privée des moyens de production une arme spirituelle pour renverser le capitalisme. On comprend que Marx se sert ici de notions (catégories) qui répondent parfaitement aux rapports capitalistes. Mais il serait plus qu’étrange de se servir actuellement de ces notions, alors que la classe ouvrière, loin d’être privée du pouvoir et des moyens de production, détient au contraire le pouvoir et possède les moyens de production. Les propos sur la force de travail comme marchandise et sur le « salariat » des ouvriers sonnent d’une façon assez absurde sous notre régime : comme si la classe ouvrière, possédant les moyens de production, se salariait elle-même et se vendait à elle-même sa force de travail. Il n’est pas moins étrange de parler aujourd’hui de travail « nécessaire » et de « surtravail » : comme si dans nos conditions, le travail des ouvriers donné à la société en vue d’élargir la production, de développer l’instruction, la santé publique, d’organiser la défense nationale, etc., n’était pas aussi nécessaire à la classe ouvrière, aujourd’hui au pouvoir, que le travail dépensé pour subvenir aux besoins personnels de l’ouvrier et de sa famille.

Il est à noter que Marx dans sa Critique du programme de Gotha , où il analyse non plus le capitalisme, mais entre autres la première phase de la société communiste, reconnaît que le travail consacré à la société pour élargir la production, pour l’instruction, la santé publique, les frais d’administration, la constitution de réserves, etc., est aussi nécessaire que le travail dépensé pour subvenir aux besoins de consommation de la classe ouvrière.

Je pense que nos économistes doivent en finir avec ce défaut de concordance entre les vieilles notions et le nouvel état de choses dans notre pays socialiste, en substituant aux notions anciennes des notions appropriées à la nouvelle situation.

Nous avons pu tolérer ce défaut de concordance un certain temps. Mais l’heure est venue où nous devons enfin remédier à ce défaut. »

CONCLUSION DU LIVRE:


« La question se pose : qu’Est-ce donc que le kolkhoze possède en propre, où est la propriété kolkhozienne dont il peut disposer eu toute liberté, comme il l’entend ? Cette propriété, c’est la production du kolkhoze, le fruit de la production kolkhozienne : blé, viande, beurre, légumes, coton, betterave, lin, etc., sans compter les bâtiments et les exploitations personnelles des kolkhoziens dans leurs enclos. Le fait est qu’une partie considérable de cette production, les excédents de la production kolkhozienne arrivent sur le marché (*) et s’intègrent de cette façon au système de la circulation des marchandises. C’est ce qui empêcha actuellement d’élever la propriété kolkhozienne au niveau de propriété nationale. C’est donc de ce côté là qu’il faut activer le travail pour élever la propriété kolkhozienne au niveau de propriété nationale.

(* NDTML: Une précision utile: ici se trouve donc la seule et unique mention du « marché » en lien avec l’économie socialiste de l’URSS à cette époque!)

Pour élever la propriété kolkhozienne au niveau de propriété nationale, il faut que les excédents de la production kolkhozienne soient éliminés de la circulation des marchandises et intégrés au système d’échange de produits entre l’industrie d’État et les kolkhozes. Là est l’essentiel.

Nous n’avons pas encore de système développé d’échange de produits, mais il existe des embryons de cet échange sous forme de « paiement en marchandises » pour les produits agricoles. On sait que la production des kolkhozes cultivant le coton, le lin, la betterave, etc., est depuis longtemps « payée en marchandises » ; il est vrai que cela ne se fait que partiellement, pas en totalité, mais cela se fait tout de même. Remarquons en passant que le terme « paiements en marchandises », n’est pas heureux, qu’il faudrait le remplacer par « échange de produits ». La tâche est d’organiser dans toutes les branches de l’agriculture ces embryons d’échanges de produits et de les développer pour en faire un vaste système d’échange, de façon que les kolkhozes reçoivent pour leur production de l’argent, mais surtout les articles dont ils ont besoin. Ce système nécessitera un accroissement considérable de la production livrée par la ville au village ; il faudra donc l’introduire sans trop de précipitation au fur et à mesure de l’accumulation des articles produits par la ville. Mais il faut l’introduire méthodiquement, sans hésiter, en restreignant pas à pas la sphère de la circulation des marchandises et en élargissant la sphère des échanges de produits.

Ce système, en restreignant la sphère de la circulation des marchandises, aidera à passer du socialisme au communisme. En outre, il permettra d’inclure la propriété essentielle des kolkhozes, la production kolkhozienne, dans le système d’ensemble de la planification nationale.

Ceci sera un moyen réel et décisif pour élever la propriété kolkhozienne au niveau de propriété nationale dans nos conditions actuelles.

Ce système est-il avantageux pour la paysannerie kolkhozienne ?

Il l’est incontestablement. Avantageux parce que la paysannerie kolkhozienne recevra de l’État des produits en quantité beaucoup plus grande et à des prix meilleur marché qu’avec le système de circulation des marchandises. Tout le monde sait que les kolkhozes qui ont passé des contrats avec le Gouvernement pour des échanges de produits (« paiement en marchandises ») bénéficient d’avantages infiniment plus grands que les kolkhozes qui n’en ont pas conclu. Si l’on étend le système d’échanges des produits à tous les kolkhozes du pays, toute notre paysannerie kolkhozienne bénéficiera de ces avantages.» 

28 septembre 1952. » 

 

 

 

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