Martinez aurait-il subitement trouvé la lumière? ( En réponse à J-P Page )

 

Martinez aurait-il

subitement trouvé la lumière?

( En réponse à J-P Page – « Gilets Jaunes et syndicats » )

http://reconstructioncommuniste.eklablog.fr/gilets-jaunes-et-syndicats-par-jean-pierre-page-article-en-pdf-en-fin-a158501084

https://ekladata.com/i8NRpbkUngces4Goht4SY3uyLm8/Gilets-Jaunes-et-Syndicats.pdf   

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Après deux mois de luttes intensives des Gilets Jaunes Martinez aurait-il été en quelque sorte subitement touché par la grâce ? Aurait-il vu enfin la lumière jaune des GJ envahissant les rues parisiennes et provinciales ?

Était il resté aussi longtemps dans l’inconscience sociale et politique des enjeux en cours à travers ce mouvement ?

Vouloir considérer ainsi, comme un élan sincère vers le mouvement de masse la volte-face apparente de la CGT, ce serait simplement prendre l’ensemble de sa direction, et Martinez en premier, pour une bande d’imbéciles…

Ce qu’ils ne sont pas, et dès lors, il est urgent de s’interroger, à quelques jours du 5 Février, sur les véritables raisons de ce revirement.

On comprend que des syndicalistes sincèrement de gauche et progressistes, comme J-P Page, se réjouissent de cette initiative officielle, mais il est néanmoins important de chercher à comprendre les causes réelles de ce prétendu « retard à l’allumage », si ces syndicalistes sincères ne veulent pas tout simplement servir de caution « de gauche » à une nouvelle manœuvre de récupération, et en fin de compte, de collaboration avec le système, en vue de mettre un terme au mouvement.

En effet cette « initiative » apparemment surprenante intervient donc, après deux mois de luttes, à un moment où, en réalité, les premiers signes d’usure se font voir et où la structuration « spontanée » du mouvement n’en est encore qu’à ses balbutiements.

C’est donc tout simplement, en réalité, le moment stratégique idéal, pour la direction de la CGT, de reprendre la main en se positionnant comme le seul interlocuteur « valable » dans le conflit social en France.

Et à partir de là, faire rentrer le flot des manifestants dans un cycle usuel de « grèves-défilés » plutôt mensuels qu’hebdomadaires, c’est déjà un soulagement en perspective pour le pouvoir en place, et d’autant plus qu’il sait que ce type d’ « action syndicale » est désormais tout à fait déconsidéré, et à juste titre, par les travailleurs, et qu’il entraînera à brève échéance l’enterrement de première classe de ce mouvement, comme des précédents, retraites, loi-travail et autres… !

J-P Page nous dit :

« Prenons acte positivement de cette importante décision de la CGT soutenu par des gilets jaunes, tout en ajoutant que la question qui se pose dorénavant est celle de la suite qui sera donnée et de quelle volonté l’on va faire preuve pour que cette journée se poursuive en grève générale reconductible. Doit-on se satisfaire de grèves par procuration, s’accommoder de l’éparpillement des luttes, de leur pourrissement comme d’une fatalité ? Va-t-on reprendre le controversé chemin des « grèves saute-mouton » dont la faillite est consommée ? «Ne faut-il pas reconsidérer les vertus des grèves reconductibles » ? »

Il a donc également bien conscience, en réalité, de la duplicité de la direction CGT… En effet, même le mot d’ordre de simple « reconductibilité » de la grève est celui de l’ « appel de Commercy »(*), une coordination encore très partielle de divers groupes GJ, et non celui de l’appel national de la CGT (**).

Quant au mot d’ordre de grève générale illimitée, il est celui du courageux Eric Drouet, et repris, dans la foulée, par un Besancenot en mal d’audience…

A noter, toutefois, que quelques syndicats CGT, localement ou par branche, on introduit la notion de reconductibilité dans leur dépôt de préavis…

Autrement dit, une incertitude règne encore quant aux lendemains de la journée du 5 Février…

Concernant les objectifs et revendications précises de la grève, c’est également le flou le plus total qui est entretenu par ce prétendu « réveil » de la direction CGT, alors que deux mois ont passé sans qu’elle intervienne sérieusement dans leur élaboration. Après deux mois, voilà donc, étrangement, un appel à se mettre à ce travail d’élaboration… De qui se moque-t-on, sinon des travailleurs qui ont réellement tenté pendant ces deux mois, de parvenir à exprimer leurs revendications sociales ?

A ce sujet, J-P Page nous dit :

« La contradiction capital/travail est posée fortement et l’on revendique l’exigence de justice sociale d’augmentation du salaire minimum à 1800 euros, la revalorisation des retraites et pensions, une fiscalité qui fait payer les riches et les entreprises, l’annulation de la CSG, le rétablissement de l’impôt sur la fortune ou encore l’abrogation du CICE ce crédit d’impôt aux entreprises remplacé par un allègement des charges sociales voulu dès le début de son mandat par Macron. »

Or qu’en est-il en réalité ? Le SMIC à 1800 euros, en net ou en brut ? Très officiellement, la revendication nationale CGT est de 1800 brut… Ce qui fait sensiblement, selon le régime actuel, autour de 1400 euros net… Pourquoi J-P Page ne précise-t-il pas ce point essentiel, dans un article aussi long ? Les revendications des trotskystes, au passage, sont à 1800 net (NPA , LO). Celle des syndicats « solidaires » à 1700 net (***).

Entretenir le flou sur cette question, comme sur les autres, c’est déjà ce que fait l’appel national CGT, qui, au lieu de rappeler sa revendication à 1800 brut se contente d’une généralité :

« __une augmentation du Smic, du point d’indice, de tous les salaires et  pensions  ainsi que des minimas sociaux ; »

En lien avec cette problématique, J-P Page évoque la question du CICE et des allègements de charges sociales pour les entreprises…

L ‘appel national CGT revendique, quant à lui, une suppression pure et simple de tous les allègements actuels…

« __la suppression des aides publiques aux entreprises (CICE, et exonérations diverses, etc.) qui ne servent ni l’emploi, ni la revalorisation des salaires, ni l’investissement de l’appareil productif et mettent à mal notre protection sociale ; »

Juste quant au fond, cette position devient absurde en parallèle avec l’augmentation du SMIC, même à 1800 euros brut, dans la mesure où il est évident qu’un très grand nombre de TPE-PME ne pourront pas l’assumer, dans les conditions actuelles, sans les divers « allègements » dont elle peuvent encore bénéficier… Autrement dit, si la direction CGT entendait réellement être prise au sérieux par le pouvoir, cela équivaudrait à une destruction de milliers d’emplois… ! On comprend donc tout de suite mieux pourquoi elle a omis de rappeler ce qui est sa revendication officielle concernant le SMIC ! Il s’agit simplement donc de tenter de « coller » suffisamment à l’esprit revendicatif du mouvement pour tenter d’en reprendre le contrôle et retourner ensuite à ses jeux habituels de « concertation » et de « négociation » avec le pouvoir, mais bien évidemment sans volonté réelle d’y changer quoi que ce soit, sauf à regagner une once de crédibilité et un peu de poids en vue de la répartition des prochaines subventions…

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Une augmentation réelle du SMIC n’est possible, si les aides publiques au paiement des charges sociales sont effectivement supprimées, ce qui est évidemment souhaitable, qu’avec une nouvelle répartition des charges au prorata à la fois du nombre de salariés et du chiffre d’affaire, avec une fonction progressive croissante qui amène à la fois les grands groupes financiers à payer réellement leur quote-part sociale et à un allègement systémique de plein droit pour les TPE-PME, et non pas financé par le contribuable.

A ce propos, voir la pétition :

Gilets Jaunes – Les 42 Revendications

https://www.change.org/p/emmanuel-macron-mettre-fin-au-scandale-%C3%A0-40-milliards-du-cice-et-de-son-substitut-actuel-82eed49b-2055-4be5-a0b0-4dcc8e80e771

qui reprend, pour l’essentiel, cette idée .

Bien entendu, il n’y a pas pour autant d’illusions à cultiver concernant la capacité du système actuel à se réformer, mais avancer concrètement des revendications effectivement praticables d’un point de vue comptable, et non pas purement démagogiques, comme le font actuellement aussi bien la direction CGT que la prétendue « extrême-gauche », c’est enfin véritablement mettre le système devant les responsabilités sociales qu’il est incapable d’assumer et donc mettre réellement en lumière la nécessité d’en changer.

Luniterre

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(  * http://mai68.org/spip2/IMG/pdf/appel_de_l_assemble_e_des_assemble_es_des_gilets_jaunes_a_commercy_27_janvier.pdf    )

( **  http://syndicollectif.fr/cgt-appel-a-la-greve-le-5-fevrier/

POUR RÉPONDRE À L’URGENCE SOCIALE

La CGT appelle à la grève le 5 février

Depuis de nombreuses années, les politiques menées au service du capital par les gouvernements successifs génèrent de fortes injustices sociales, territoriales et fiscales.

La CGT n’a cessé d’alerter les pouvoirs publics, de mobiliser dans les entreprises et les services contre des reformes régressives et pour une autre répartition des richesses produites dans le pays.

Gouvernement et patronat sont restés sourds et sont responsables de la crise actuelle.

Ce ne sont pas les mesurettes récentes annoncées par le gouvernement en réponse au mouvement des gilets jaunes qui répondent aux urgences sociales.

Les 57 milliards d’euros versés aux actionnaires des grandes entreprises démontrent l’ampleur des richesses créées par les travailleurs.

Au-delà des mobilisations des citoyen-ne-s depuis de nombreuses semaines, il est indispensable de construire un rapport de force, notamment par la grève, pour imposer au patronat la redistribution des richesses.

La CGT appelle les salarié-e-s, les agent-e-s, les jeunes comme les retraité-e-s, les privé-e-s d’emploi à se mobiliser ensemble par la grève et les manifestations pour obtenir :

 

  • une augmentation du Smic, du point d’indice, de tous les salaires et  pensions  ainsi que des minimas sociaux ;
  • une réforme de la fiscalité : une refonte de l’impôt sur le revenu lui conférant une plus grande progressivité afin d’assurer une plus grande redistribution des richesses et d’alléger le poids de l’impôt indirect (TVA, TICPE) pénalisant les salariés et les ménages, le paiement des impôts en France de grandes sociétés (ex. : GAFA), une imposition plus forte des plus hauts revenus et de la détention de capital ;
  • la suppression des aides publiques aux entreprises (CICE, et exonérations diverses, etc.) qui ne servent ni l’emploi, ni la revalorisation des salaires, ni l’investissement de l’appareil productif et mettent à mal notre protection sociale ;
  • le développement des services publics, partout sur le territoire, en réponse aux besoins de la population, avec des moyens suffisants en personnels pour un bon exercice de leurs missions ;
  • Le respect des libertés publiques tel que le droit de manifester remis en cause par le gouvernement.

 

La CGT appelle à tenir des assemblées générales, sur tous les lieux de travail et dans tous les secteurs professionnels, pour réussir la grève et les manifestions le mardi 5 février 2019 et débattre des suites à construire dans la durée.

 

Montreuil, le 17 janvier 2019 )

( *** http://www.lefigaro.fr/social/2019/01/12/20011-20190112ARTFIG00016-la-tres-revolutionnaire-carte-de-voeux-du-syndicat-solidaires.php )

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A la suite de cette parution,

un bref mais utile échange

avec Jean-Pierre PAGE :

 

__Sa réponse: [NDLR: interrogé à ce sujet, JP Page ne voit pas l’utilité de la publication de l’échange. Cependant, il nous y précisait que sa position pour le SMIC à 1800 EUROS doit s’entendre en SALAIRE NET, ce qui est donc différent de la position actuelle de la CGT, à 1800 BRUT  >>> dans la mesure où c’est un élément essentiel du débat sur TML  il nous parait donc juste de maintenir cette information précise accessible à nos lecteurs, et d’autant plus qu’elle ne semble pas se trouver accessible ailleurs, sur le net. ]

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__La nôtre:

Bonjour, camarade

Et merci de votre réponse rapide. Effectivement, le format du blog WordPress actuel, et actuellement dans nos modestes moyens, ne permet pas facilement de publier in extenso des articles très long, sauf à occuper toute la visibilité immédiate du site.Sous le titre, un lien direct renvoi néanmoins à la publication du blog ami « Reconstruction Communiste » où nous l’avons trouvé, et qui n’a pas ce problème.

http://reconstructioncommuniste.eklablog.fr/gilets-jaunes-et-syndicats-par-jean-pierre-page-article-en-pdf-en-fin-a158501084

Il y a également le lien PDF de ce site.

https://ekladata.com/i8NRpbkUngces4Goht4SY3uyLm8/Gilets-Jaunes-et-Syndicats.pdf

Ces liens figureront également dans toutes les republications ultérieures, soit sous le titre, soit en première note.

Sur le fond, merci de votre précision concernant le SMIC net.

Notre objection à ce sujet, et dans ce cas, porte, vous l’aurez compris, sur le manque de cohérence avec la problématique des TPE-PME. Elle doit être traitée concrètement, dans un programme revendicatif, pour le rendre crédible et en faire une base d’explication et d’agit-prop appropriée pour élever le niveau de conscience du mouvement de masse.

Les revendications doivent clairement apparaître comme complémentaires et non contradictoires.

C’est en ce sens que la pétition

https://www.change.org/p/emmanuel-macron-mettre-fin-au-scandale-%C3%A0-40-milliards-du-cice-et-de-son-substitut-actuel-82eed49b-2055-4be5-a0b0-4dcc8e80e771

présente un intérêt certain, même si elle ne traite évidemment pas l’ensemble des problèmes. Du moins, c’est l’esprit dans lequel ils devraient l’être, et déjà abordé, par exemple, dans :

https://tribunemlreypa.wordpress.com/2019/01/05/unite-cgt-gj-le-baiser-qui-tue/

Mais évidemment les revendications n’ont vraiment de sens que lorsque les masses les plus larges s’en emparent.

Que ce soit à l’intérieur ou en dehors des syndicats, c’est ce à quoi nous devons tous travailler !

Amicalement,

Luniterre

 

__sa réponse:    >>> dans la suite de l’échange, il nous précise, avec autorisation de le publier:

« je suis opposé au concept de partage des  richesses qui est en fait l’équivalent à mes yeux de la recette du pâté d’alouette(un cheval+une alouette) voir mon article et mon livre à ce sujet! »

 

__notre réponse : (extrait)  

>>> « Effectivement le partage des richesses entre Capital et Travail tient de la recette du pâté d’alouette, où l’alouette du Travail se fait constamment et nécessairement plumer. Et d’autant plus en période de crise.

Mais pour que cela paraisse évident au plus grand nombre, au point de prendre conscience de la nécessité de rupture avec le capitalisme, il faut donc mettre le système au défi d’apporter des solutions d’amélioration comptablement cohérentes. C’est face à son refus que se forge la détermination d’en changer.C’est l’incapacité du système à répondre aux besoins sociaux élémentaires de catégories sociales de plus en plus étendues qui attise le feu de la colère. C’est quand toutes les solutions d’améliorations les plus évidentes auront été officiellement rejetées par le pouvoir que cette colère se transformera réellement en force politique révolutionnaire.

 

D’ici là, il n’y a aucune étape qui puisse être escamotée, ni même simplement négligée, prise à la légère.

 

C’est dans ce combat que commencera à se forger une force capable de répartir les richesses créées par les travailleurs entre les travailleurs eux-mêmes, en fonction de leurs besoins sociaux réels et de ceux de leurs familles. Une répartition qui ne sera plus un partage entre capital et travail, mais qui se fera par contre en correspondance avec le partage du travail nécessaire et suffisant pour répondre à ces besoins.

 

Des besoins sociaux urgents et incontournables qui auront déjà commencé d’être définis au cours de la lutte revendicative, qui est en quelque sorte, à travers cette définition des revendications immédiates, la première pierre de la construction d’un programme d’alternative révolutionnaire.

 

Un programme qui devra donc unir autour du prolétariat l’ensemble des classes sociales populaires, sur un ensemble de revendications et d’objectifs complémentaires, et non pas contradictoires.

 

C’est pourquoi il est d’ores et déjà important de faire preuve de cohérence dans l’élaboration des revendications, tout en essayant non seulement de conserver l’unité la plus large qui était celle du 17 Novembre, mais en plus de lui donner une première base concrète sous la forme d’une plate-forme revendicative unitaire.

 

C’est dans cet esprit que la question de savoir s’il faut revendiquer en brut ou en net n’est pas sans importance, car elle est liée directement à la question de la répartition des cotisations sociales entre les différentes classes sociales, selon leur rôle économique.

 

Il est donc utile, et même essentiel de montrer comment, à partir de la situation concrète actuelle, on doit finalement arriver à une situation entièrement nouvelle, rationnelle et cohérente, qui est celle du socialisme prolétarien.

 

Malgré l’ampleur de la juste colère populaire, nous n’en sommes encore qu’aux tous premiers pas, et à un stade où il est crucial d’éviter les faux pas pour rester sur le bon chemin, qui restera encore longtemps périlleux malgré les premiers succès. »

 

Luniterre