Ou comment recycler Trotsky en apôtre du social-chauvinisme…

 

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Ce texte,



« Comment Trotsky explique la soumission européenne aux USA »

 

a déjà fait près de quatre pages de références sur les moteurs de recherche, avant que nous croisions sa route sur Agoravox, présenté par un certain « Robert Gil », se réclamant de la « Conscience Citoyenne Responsable-Réfléchir par soi-même et lutter contre la propagande »(sic), et dont on pouvait à première vue penser qu’il en était l’auteur, faute d’autre mention réellement précise à ce sujet…

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/comment-trotsky-explique-la-189510

C’est en cherchant l’origine des citations du « maitre » « …irréprochable sur le terrain de l’analyse « (re-sic), incluses dans le texte, que nous avons constaté la multiplicité de leurs apparitions sur le net…

En fait, après quelques recherches, cet article semble être paru en premier sur Sputnik News…

https://fr.sputniknews.com/blogs/201609291027957906-trotsky-soumission-europeenne-usa/

Pourquoi ne pas le mentionner, ainsi que le nom de l’auteur, à savoir l’écrivain Nicolas Bonnal ?

https://fr.sputniknews.com/blogs/nicolas_bonnal/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Bonnal_(%C3%A9crivain)

Ceci dit, c’est un montage très amusant de quelques bouts de phrases de Trotsky, essentiellement extraits de deux textes de 1924 et 1926 que nous avons pris la peine de retrouver et d’étudier…

https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/europeameric/eur1.htm (1924)

https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/europeameric/eur2.htm (1926)

Qu’en est-il réellement de la « brillante » analyse de Trotsky? Ces bouts de phrases juxtaposés résument-ils réellement sa pensée?

Incontestablement, il avait passé beaucoup de temps sur le sujet et accumulé une connaissance détaillée, sur le plan économique, des USA et de l’Europe.

Par contre, même si on l’a « oublié » très vite, l’intervention US de 1918 sur le front français a été très visiblement (*) plus décisive, concernant la victoire, à l’époque, que celle de 1944, qui n’a fait qu’avancer la chute inéluctable de l’Allemagne nazie…

Donc Trotsky, loin d’être pour la circonstance un « visionnaire », ne fait que formuler une évidence quant à l’emprise naissante des USA sur l’Europe…

Mais où veut-il en venir politiquement, et sur la base de quelle analyse?

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Les rapports d’inféodation entre nations impérialistes inégales sont une chose, et les rapports entre un impérialisme et ses colonies, une autre. D’un point de vue marxiste-léniniste, qui aurait du être celui de Trosky, c’est une évidence, mais en fait, il mélange précisément les deux, d’où ces « bouts de phrases » qui permettent les propos ad-hoc de Nicolas Bonnal…

En fait, et contre l’évidence, tant en 1924 qu’en 1926, Trotsky veut y voir les prémisses d’une révolution européenne …des « États Unis d’Europe », qui s’opposeraient aux USA…!!

************************Trotsky:

« La résistance des ouvriers européens au maître de leurs maîtres, au capital américain, deviendra de plus en plus centralisée. L’importance directe, pratique, combative du mot d’ordre de la révolution européenne et de sa forme étatique  » Etats-Unis d’Europe  » deviendra de plus en plus évidente aux ouvriers européens. »

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Le mieux est d’étudier ses textes, en allant à l’essentiel, sous le vernis « brillant » de son érudition, pour comprendre son erreur…

Pas différente en 1926:

****************Trotsky:

« L’Amérique ne laissera pas l’Europe capitaliste se relever. C’est là l’élément de révolutionnement que constitue maintenant la puissance capitaliste américaine. Quelques fluctuations politiques qu’ait à subir l’Europe, elle restera dans une situation économique sans issue. C’est là un fait essentiel, et ce fait, un an plus tôt ou un an plus tard, poussera le prolétariat dans la voie révolutionnaire. »

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Tenter d’entrainer l’URSS dans une guerre sans issue, telle est le propos sous-jacent, mais en fait, à peine voilé, de Trotsky…

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En réalité, en 1926, Trotsky avait non seulement perdu pied dans les questions internationales, mais aussi, et par voie de conséquence, sur le plan intérieur, car sa politique mettait le socialisme naissant en danger et les soviétiques de base en avaient déjà pris conscience, comme en témoigne Harry Haywood, étudiant afro-américain en URSS à l’époque:

*******************Harry Haywood:

« It had not always been thus. Otto told me that in 1924, a year before he arrived, a majority of the students in the school had been supporters of Trotsky. Trotsky was making a play for the Party youth, in opposition to the older Bolshevik stalwarts. With his usual demagogy, he claimed that the old leadership was betraying the revolution and had embarked on a course of « Thermidorian reaction. » In this situation, he said, the students and youth were « the Party’s truest barometer. »

But by the time the Black American students arrived, the temporary attraction to Trotsky had been reversed. The issues involved in the struggle with Trotsky were discussed in the school. They involved the destiny of socialism in the Soviet Union. Which way were the Soviet people to go? What was to be the direction of their economic development? Was it possible to build a socialist economic system? These questions were not only theoretical ones, but were issues of life and death. The economic life of the country would not stand still and wait while they were being debated. « (**Traduction en notes)

*****************source:

https://www.marxists.org/archive/haywood/black-bolshevik/ch06.htm

Extrait de « Black Bolshevik », version intégrale:

https://drive.google.com/file/d/0B7trXEFcZimVdmgwYThhUDRhVHc/view

Un document historique exceptionnel. De quoi remettre les discours « brillants » en face de la réalité…

Le paradoxe, aujourd’hui, c’est que les propos de Trotsky, supposé « internationaliste », mais ainsi « sélectionnés » par Nicolas Bonnal, font, sur le net, les choux gras de tous les pseudos « marxistes » adeptes du social-chauvinisme !!

Mais pour ceux qui sont réellement curieux d’histoire et désireux de comprendre, c’est l’occasion de redécouvrir les textes de Trotsky en les replaçant dans leur véritable contexte politique et social, et, pour la plupart, de découvrir ceux de Harry Haywood. Bonne lecture.

Luniterre

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( * https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tats-Unis_dans_la_Premi%C3%A8re_Guerre_mondiale

 » Lors de l’armistice, le 11 novembre 1918, environ 2 millions de soldats américains étaient en France répartis dans 42 divisions, dont 1 million déjà engagé dans les combats. Deux autres millions étaient aux États-Unis dans les camps d’entraînement. Les plans prévus par Foch, Pétain et Pershing pour 1919 prévoyaient l’engagement de 4,5 millions de soldats américains dans les offensives de la victoire qui les mèneraient au cœur de l’Allemagne. » )

(** « Cela n’a pas toujours été ainsi. Otto m’a dit qu’en 1924, un an avant son arrivée, la majorité des élèves de l’école avaient été des partisans de Trotsky. Trotsky se donnait un rôle, pour les jeunes du Parti, en opposition avec les plus vieux partisans bolcheviks. Avec sa démagogie habituelle, il prétendait que l’ancienne direction trahissait la révolution et s’était lancée dans une « réaction thermidorienne ». Dans cette situation, disait-il, les étudiants et les jeunes étaient «le plus fiable baromètre du Parti».

Mais au moment où les étudiants américains noirs sont arrivés, l’attraction temporaire pour Trotsky avait été inversée. Les questions liées à la lutte avec Trotsky ont été discutées dans l’école. Elles impliquaient le destin du socialisme en Union Soviétique. Dans qelle direction le peuple Soviétique devait-il aller ? Quel devait être le sens de son développement économique? Est-il possible de construire un système économique socialiste? Ces questions n’étaient pas seulement théoriques, mais étaient des questions de vie et de mort. La vie économique du pays ne serait pas immobile et en attente pendant qu’on en débattait. »)

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4 commentaires

  1. Luniterre prends à partie…Trotsky par l’endroit même où Trotsky ne fait que dire l’évidence: la contradiction manifeste entre l’impérialisme US et les impérialismes européens.
    Il se peut que Trotsky se soit trompé sur les détails, mais sur la question principale, comme tous les bolsheviques d’ailleurs, il avait raison.
    L’histoire a montré en 1917 et en 1941 que l’impérialisme US se développe, grandi, s’engraisse…des guerres européennes.
    Les USA en 1941-45 ont carrément sucé totalement l’empire anglais avec leur « bail » qui a fourni les armes indispensables aux britanniques pour contrer l’impérialisme allemand (l’autre adversaire important des US et qui lui reste encore aujourd’hui même).
    Au lieu de s’attaquer aux thèses de 1924 (qui d’ailleurs étaient les thèses du parti à ce moment et qui n’ont pas été discutées par personne) il devrait s’occuper de la contradiction montante entre l’Europe de 2017 représentée par le capital allemand allié au capital français, aujourd’hui même.
    Mais, pour certains, il n’y a que d’intérêt que dans les vieilles polémiques surannées qui permettent toutes les envolées réthoriques et qui permettent surtout, d’oublier la réalité qui se reproduit presque à l’identique…aujourd’hui.
    Bref, les moulins à vent semblent plus accessibles qu’une réalité qui nécessite une analyse et une perspective.
    Comme ici il n’y a pas la place, je ne peux pas l’envoyer un article sur la question, bien que celui de Sam Williams expliquait assez bien la contradiction croissante entre les USA et l’Allemagne. On peut consulter aussi le site WSWS « trotskyste » (si cette dénomination a aujourd’hui une signification quelconque, car sur cette question, comme sur la dénomination de « Trotskyste ou marxiste-léniniste ou maoiste ou tout ce que l’on veut, on trouve, comme sur toutes les autres a-courants ou tendances, diverses positions mais surtout; une droite, un centre et une gauche) qui fait des assez bons analyses malgré son penchant à exagérer un peu les dangers de nouvelle guerre mondiale.

    Si l’intention a été de poser les bases théoriques de la question…c’est à dire les Etats Unis Ouvriers d’Europe comme la solution aux contradictions européennes, cela peut se discuter mais dans le cadre des changements rapides et importants de la politique actuelle. autrement, on risque d’être traités des souris de bibliothèque et/ou des défenseurs par détour de Staline qui lui n’avait pas d’autre option (et il ne l’a jamais écrit ni dit) à ce moment précis.
    Que la discussion sur les Etats Unis d’Europe ait pu se glisser sur la discussion sur la possibilité de construire le socialisme complètement en un seul pays (débat tranché par la pratique) c’est une toute autre chose. Luniterre ne le dit pas bien qu’on ne trouve pas d’autre raison logique de s’attaquer à des thèses partagées par tous, Lénine le premier et Staline à sa suite.
    il fayut dire aussi qu’en 1924 Staline adhérait à tout ce que le Comité Central proposait et, par conséquence, il était contre la thèse de la possibilité de construire le socialisme en un seul pays, voir « Le questions du Léninisme » première version. C’est seulement en 1925 qu’il va changer d’avis.

    voilà pour l’histoire et pour la pertinence de l’article, sauf si l’objectif est un objectif purement sectaire d’en découdre….encore…inutilement contre Trotsky.

    1. Tu me dis:

      « Au lieu de s’attaquer aux thèses de 1924 (qui d’ailleurs étaient les thèses du parti à ce moment et qui n’ont pas été discutées par personne) »

      1924 >>> Lénine est mort Janvier 1924… et il n’était plus en état de s’occuper de ces question depuis longtemps, déjà.

      Le premier texte de Trotsky cité est de fin Juillet 1924.

      1924-1926, c’est, au contraire et à l’évidence, la pleine période de lutte sur ces questions, et notamment de savoir s’il faut défendre le socialisme en URSS ou le sacrifier au profit d’une hypothétique « révolution européenne », qui, tout aussi à l’évidence, n’existe pas ailleurs que dans les discours de Trotsky.

      Son constat à rallonge sur l’émergence évidente de l’impérialisme US n’est que de l’enfumage pour amener, vers la fin de son discours, et dans les deux cas, sa salade immonde de pseudos « États Unis d’Europe » destinés à impressionner son public…

      Ceci-dit, comme nous le rappelle fort justement le témoignage direct de Harry Haywood, en 1926, ce stratagème avait déjà fait long feu, et la carrière politique de Trotsky était déjà dans une impasse où il s’était fourré tout seul et dans laquelle il persistait donc malgré tout.

      On peut éventuellement reprocher à Staline le caractère expéditif de ses méthodes, mais dans ce cas comme dans bien d’autre, l’impétrant était largement politiquement averti et prévenu à l’avance.

      On peut regretter les conséquences pour ce personnage autrement effectivement brillant en tant qu’intellectuel, mais le vernis culturel ne fait pas tout ni n’exonère de réfléchir concrètement aux conséquences inévitables de son obstination pour la survie de l’URSS, qui, en cette occasion comme en bien d’autre, doit beaucoup à Staline.

      Un simple constat historique, tel est le sens de mon article, aussi bien en réponse au montage « plaisant » effectué par Nicolas Bonnal, un ancien du GUD et compagnon de route littéraire de l’ultra-droite, que en réponse à l’utilisation qui en est faite à l' »extrême-gauche », de ce site « citoyen » à Danielle Bleitrach, et bien d’autres…

      Si ce n’est pas du « recyclage » social-chauvin…Quoi d’autre???

      Luniterre

      1. SUR AGORAVOX, NOUVEAU COMMENTAIRE DE REMISE A JOUR PAR RAPPORT AU DÉBAT DE L’ÉPOQUE:

        Ou comment recycler Trotsky en apôtre du social-chauvinisme…

        Luniterre 7 juillet 06:47

        Avec le recul du temps et de nouvelles recherches, quelques précisions historiques s’imposent, à propos de cet article.

        Un point sur lequel Joao Aliber a pour l’essentiel raison : « Trotsky était un socialiste de marché. »

        C’est effectivement ce que l’on découvre en étudiant la logique interne de sa pensée économique.

        La meilleure étude sur le sujet est, de plus, l’œuvre d’un trotskyste historique, Michel Raptis, cofondateur, avec Trotsky, de la IVème internationale.

        http://www.lcr-lagauche.be/cm/index.php?view=article&id=879:sur-les-conceptions-economiques-de-leon-trotsky&option=com_content&Itemid=53

        Le paradoxe est donc le fait qu’il soit effectivement considéré comme le leader de l’ « opposition de gauche »….

        C’est pourtant un autre fait bien établi, historiquement…

        Il en ressort donc clairement que cette alliance de Trotsky avec la « gauche » ne devait rien à une communauté d’idées mais tout à une alliance de circonstance contre Staline, et qui obligeait donc Trotsky à dissimuler ses véritables idées derrière un « compromis » avec la « gauche », ce qui rendait le tout incompréhensible et en a assuré la défaite, au final.

        Il en va de même à propos de son affrontement premier avec Boukharine, à l’époque où celui-ci s’était rallié à Staline avec une partie de l’aile « droite » du parti bolchevique. Il combattait formellement les positions effectivement « droitistes » de Boukharine, qui, en réalité, étaient aussi les siennes…

        Anti-stalinisme oblige…

        C’est, sur ce point, ce que l’historien Moshe Lewin, sympathisant trotskyste, expliquait fort bien, en fait, dès 1972 :

        « N. I. Boukharine : Ses idées sur la planification économique et leur actualité »

        https://www.persee.fr/doc/cmr_0008-0160_1972_num_13_4_1890

        L’ébauche d’alliance Trotsky-Boukharine qui a suivi la disgrâce de ce dernier, loin d’être contre nature, était donc à la fois dans la logique de leur communauté d’idées économiques réellement droitistes sur le « socialisme de marché » et de leur anti-stalinisme viscéral, quant au fond.

        La logique interne de la pensée économique de Trotsky a fait, depuis la parution de cet article, l’objet d’un long débat avec le camarade Viriato, qui tente d’en prendre la défense.

        L’ensemble des liens vers ce débat est désormais regroupé à la suite de cet article de présentation :

        https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/12/04/le-bloc-et-la-faille/

        Dans un article de 1939, se voulant un résumé du marxisme, Trotsky théorise, en quelque sorte, cette dévotion au marché :

        « En acceptant ou en rejetant les marchan­dises, le marché, arène de l’échange, décide si elles contiennent ou ne contiennent pas de travail socialement nécessaire, détermine ainsi les quantités des différentes espèces de marchandises nécessaires à la société, et, par conséquent, aussi la distribution de la force de travail entre les différentes branches de la production. »

        https://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1939/04/lt19390418b.htm


        Luniterre

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