Snowden en sursis…


 
Le combat continue…

Relégué au second plan, puis quasiment passé sous silence par les médias « grand public » français, un nouveau développement significatif de l’affaire Snowden…

Fin décembre un mouvement s’est amorcé au Brésil autour du droit d’asile pour Edward Snowden… Une partie de la classe politique brésilienne continue à vouloir résister à l’intrusion de l’impérialisme US, tant dans la vie des citoyens brésiliens que dans la vie économique et politique de leur pays.

Deux journalistes américains, connus pour avoir contribué à diffuser les révélations de Snowden, y ont trouvé refuge et soutiennent cette action.

Le 17 Décembre 2013, le journal Folha de São Paulo publiait une Lettre ouverte au peuple du Brésil, d’Edward Snowden, reprise sur la page Facebook d’un de ces journalistes, David Michael Miranda.

A la suite, l’organisation non gouvernementale Avaaz lançait une pétition mondiale sur le net, pour soutenir une demande d’asile d’Edward Snowden au Brésil. Cette pétition, que nous venons de recevoir, prend actuellement de nouvelles proportions, en dépassant déjà 700 000 signatures, et en progressant parfois jusqu’à une vitesse d’environ 200 000 signatures par jours…

TRIBUNE MARXISTE-LENINISTE APPELLE A SIGNER ET A FAIRE SIGNER CETTE PETITION !!

http://www.avaaz.org/fr/send_snowden_home_loc/?cHXNbfb

Et voici le texte original de la Lettre ouverte :

An open letter to the people of Brazil, from Edward Snowden :


    “Six months ago, I stepped out from the shadows of the United States Government’s National Security Agency to stand in front of a journalist’s camera.

I shared with the world evidence proving some governments are building a world-wide surveillance system to secretly track how we live, who we talk to, and what we say.

I went in front of that camera with open eyes, knowing that the decision would cost me family and my home, and would risk my life. I was motivated by a belief that the citizens of the world deserve to understand the system in which they live.


My greatest fear was that no one would listen to my warning. Never have I been so glad to have been so wrong. The reaction in certain countries has been particularly inspiring to me, and Brazil is certainly one of those.

At the NSA, I witnessed with growing alarm the surveillance of whole populations without any suspicion of wrongdoing, and it threatens to become the greatest human rights challenge of our time.

The NSA and other spying agencies tell us that for our own « safety »—for Dilma’s « safety, » for Petrobras’ « safety »—they have revoked our right to privacy and broken into our lives. And they did it without asking the public in any country, even their own.


Today, if you carry a cell phone in Sao Paolo, the NSA can and does keep track of your location: they do this 5 billion times a day to people around the world.

When someone in Florianopolis visits a website, the NSA keeps a record of when it happened and what you did there. If a mother in Porto Alegre calls her son to wish him luck on his university exam, NSA can keep that call log for five years or more.

They even keep track of who is having an affair or looking at pornography, in case they need to damage their target’s reputation.

American Senators tell us that Brazil should not worry, because this is not « surveillance, » it’s « data collection. » They say it is done to keep you safe. They’re wrong. There is a huge difference between legal programs, legitimate spying, legitimate law enforcement — where individuals are targeted based on a reasonable, individualized suspicion — and these programs of dragnet mass surveillance that put entire populations under an all-seeing eye and save copies forever.

These programs were never about terrorism: they’re about economic spying, social control, and diplomatic manipulation. They’re about power.


Many Brazilian senators agree, and have asked for my assistance with their investigations of suspected crimes against Brazilian citizens.

I have expressed my willingness to assist wherever appropriate and lawful, but unfortunately the United States government has worked very hard to limit my ability to do so — going so far as to force down the Presidential Plane of Evo Morales to prevent me from traveling to Latin America!

Until a country grants permanent political asylum, the US government will continue to interfere with my ability to speak.


Six months ago, I revealed that the NSA wanted to listen to the whole world. Now, the whole world is listening back, and speaking out, too. And the NSA doesn’t like what it’s hearing.

The culture of indiscriminate worldwide surveillance, exposed to public debates and real investigations on every continent, is collapsing.

Only three weeks ago, Brazil led the United Nations Human Rights Committee to recognize for the first time in history that privacy does not stop where the digital network starts, and that the mass surveillance of innocents is a violation of human rights.

The tide has turned, and we can finally see a future where we can enjoy security without sacrificing our privacy. Our rights cannot be limited by a secret organization, and American officials should never decide the freedoms of Brazilian citizens.

Even the defenders of mass surveillance, those who may not be persuaded that our surveillance technologies have dangerously outpaced democratic controls, now agree that in democracies, surveillance of the public must be debated by the public.

My act of conscience began with a statement: « I don’t want to live in a world where everything that I say, everything I do, everyone I talk to, every expression of creativity or love or friendship is recorded. That’s not something I’m willing to support, it’s not something I’m willing to build, and it’s not something I’m willing to live under. »

Days later, I was told my government had made me stateless and wanted to imprison me. The price for my speech was my passport, but I would pay it again: I will not be the one to ignore criminality for the sake of political comfort. I would rather be without a state than without a voice.

If Brazil hears only one thing from me, let it be this: when all of us band together against injustices and in defense of privacy and basic human rights, we can defend ourselves from even the most powerful systems.”

Edward  Snowden

En version française :

(Courrier International)


Dessin d’Arend, Pays-Bas

  « Il y a six mois, je suis sorti de l’ombre de l’Agence américaine de sécurité nationale (NSA) pour me placer devant la caméra d’un journaliste. J’ai partagé avec le monde entier des preuves montrant que certains Etats travaillent à la mise en place d’un système mondial de surveillance permettant d’espionner comment nous vivons, ce que nous disons et à qui nous le disons.

Je suis allé devant cette caméra en parfaite connaissance de cause, conscient que cette décision allait me couper de ma famille et de mon foyer et mettre ma vie en danger. Ce qui m’y a poussé, c’est la conviction que les citoyens du monde méritent de comprendre le système dans lequel ils vivent.

Ma plus grande crainte était que personne n’écoute cette mise en garde. Jamais je n’ai été aussi heureux de m’être trompé. Les réactions dans certains pays se sont révélées particulièrement encourageantes pour moi, et parmi ces pays figure sans conteste le Brésil.

Quand j’étais à la NSA, j’ai assisté avec une inquiétude croissante à la mise sous surveillance de populations entières, sans qu’aucun soupçon d’acte criminel ne la justifie : cette surveillance constitue la plus grave attaque contre les droits de l’homme de notre temps.

La NSA et les autres agences de renseignements nous expliquent que c’est au nom de notre propre « sécurité » – pour la « sécurité » de Dilma [Rousseff, la présidente du Brésil], pour la « sécurité » de Petrobras [compagnie pétrolière publique brésilienne] – qu’elles ont aboli notre droit au respect de la vie privée pour nous épier en permanence. Et tout cela sans même demander l’autorisation au peuple d’aucun de ces pays, pas même du leur.

Aujourd’hui, si vous vous promenez à São Paulo avec un téléphone portable en poche, la NSA a les moyens de savoir où vous vous trouvez, et elle ne s’en prive pas : elle procède ainsi, chaque jour, à raison de cinq milliards de localisations d’individus dans le monde.

Quand quelqu’un, à Florianópolis, se rend sur un site Internet, la NSA enregistre à quelle heure et ce qu’y a fait cet internaute. Quand une mère de Porto Alegre appelle son fils pour lui souhaiter bonne chance à un examen, l’enregistrement de l’appel peut être conservé par la NSA pendant cinq ans au moins.

L’agence conserve ainsi des preuves de liaison extraconjugale, ou de fréquentation de sites pornographiques, pour le cas où elle aurait besoin plus tard de salir la réputation de ceux qui la gênent.

Les sénateurs américains nous disent que le Brésil n’a pas à s’inquiéter : il ne s’agit pas de « surveillance », mais de « collecte de données », et tout cela a pour seul but d’assurer la sécurité des personnes. Ils se trompent.

La différence est énorme entre un programme légal, un espionnage légitime, une action politique justifiée, dans lesquels des individus sont surveillés en raison de soupçons raisonnables et identifiés pesant sur eux, et ces systèmes de surveillance de masse qui, pour mettre en place tout un réseau de renseignement, placent des populations entières sous une surveillance permanente et en conservent pour toujours les traces.

Ces systèmes n’ont jamais eu pour motivation la lutte contre le terrorisme : l’espionnage économique, le contrôle de la société et la manipulation diplomatique, en somme la soif de pouvoir, sont leurs motivations.

De nombreux sénateurs brésiliens partagent cette conviction, et ils m’ont sollicité pour les aider dans leurs investigations sur les crimes qui auraient pu être ainsi commis à l’encontre de citoyens brésiliens.

Comme je l’ai dit, je suis prêt à apporter mon aide dès lors qu’elle est jugée nécessaire et dans un cadre légal. Malheureusement, le gouvernement des Etats-Unis s’évertue à limiter ma capacité à le faire, allant même jusqu’à contraindre l’avion présidentiel d’Evo Morales à atterrir pour m’empêcher de me rendre en Amérique latine !

Tant qu’un pays ne m’aura pas accordé l’asile politique permanent, le gouvernement américain s’évertuera à m’empêcher de m’exprimer.

Il y a six mois, j’ai révélé que la NSA voulait mettre le monde entier sur écoute. Aujourd’hui, c’est le monde entier qui tend l’oreille, et qui prend la parole. Et tout cela n’est pas doux à l’oreille de la NSA.

L’acceptation de la surveillance de masse à l’échelle mondiale, mise à nu lors de débats publics et par des enquêtes de fond sur tous les continents, cède désormais du terrain.

Il y a tout juste trois semaines, la Brésil a été le promoteur à la Commission des droits de l’homme des Nations unies
d’une résolution, inédite dans l’Histoire, reconnaissant que le droit à la vie privée ne s’arrête pas là où commencent les réseaux numériques et que la surveillance systématique d’innocents constitue une violation des droits de l’homme [une résolution qui affirme « le droit à la vie privée à l’ère numérique » adoptée par les Nations unies le 26 novembre 2013] .

Le vent a tourné, et nous pouvons enfin imaginer un avenir dans lequel sécurité et vie privée sont conciliables.

Nous ne pouvons tolérer que nos droits soient limités par quelque organisation secrète, ni que les autorités américaines puissent interférer sur les libertés des citoyens brésiliens.

Même les partisans de la surveillance de masse, ceux-là qui sans doute ne sont pas convaincus que les technologies de surveillance enfreignent dangereusement l’exigence de contrôle démocratique, s’accordent aujourd’hui à dire qu’en démocratie la surveillance de la population doit être débattue par la population.

Mon acte de conscience débutait par la déclaration suivante : « Je refuse de vivre dans un monde où tout ce que je dis, tout ce que je fais, tous ceux avec qui je parle, toutes les expressions de créativité, d’amour ou d’amitié peuvent être enregistrés. C’est un système que je ne suis pas prêt à cautionner, ni à construire, ni dans lequel je veux vivre. »

Quelques jours plus tard, j’apprenais que le gouvernement de mon pays avait fait de moi un apatride et voulait me jeter en prison. Ma prise de parole m’a coûté mon passeport, mais je le referais s’il le fallait : je ne fermerai pas les yeux sur le crime au nom de mon confort politique. Je préfère vivre sans patrie que sans voix.

Si le Brésil ne doit entendre qu’une seule de mes paroles, que ce soit celle-ci : quand nous serons tous unis contre les injustices et pour la défense de la vie privée et des droits de l’homme les plus fondamentaux, alors nous serons capables de nous défendre contre les plus puissants des systèmes. »   

                                                    Edward Snowden     


Bien évidemment cette pétition peut sembler n’être qu’un acte de résistance dérisoire, mais il a l’avantage d’unir les peuples de tous les pays autour de thèmes démocratiques essentiels et vitaux. Et notamment, au-delà du droit humain le plus élémentaire, le droit des peuples et des nations à disposer d’eux-mêmes :

 « Ces programmes n’ont jamais eu pour but de contrer le terrorisme : leurs buts sont l’espionnage économique, le contrôle social et la manipulation diplomatique. Leur objectif est le pouvoir. » (trad. TML)

( « These programs were never about terrorism: they’re about economic spying, social control, and diplomatic manipulation. They’re about power. » )

Bien entendu, il ne s’agit pas de prétendre qu’il s’agit d’un mouvement révolutionnaire anti-impérialiste, mais dans la mesure où il insiste sur le droit des peuples à choisir leur style de vie, il s’oppose de fait à l’hégémonie de l’ « American way of life » comme modèle idéalisé de comportement.

« …I didn’t want to change society. I wanted to give society a chance to determine if it should change itself. »

Il n’appartient qu’à nous, marxistes-léninistes, de démontrer que cette volonté US de formatage universel repose en réalité sur une utopie ultraréactionnaire : sa réalisation supposerait de consommer plusieurs fois, en termes de ressources naturelles, les capacités de renouvellement de la planète… Elle ne concernerait donc, pour sa « meilleure » part, que les « élites » financières capitalistes déjà vendues et soumises à cette cause totalitaire ! Pour le reste, c’est-à-dire pour la grande majorité de tous les peuples, elle ne peut qu’accroitre les inégalités et la misère, à travers l’esprit de concurrence et de « compétitivité » exacerbé…

De là à transformer cet embryon de conscientisation en lutte de classe prolétarienne, il y a encore beaucoup de pas à franchir, mais le simple bon sens nous indique qu’il est important de bien effectuer le premier !

L’histoire de Snowden étant à l’origine du blog TRIBUNE MARXISTE-LENINISTE , il nous parait juste de rappeler les grandes lignes des stratégies possibles. L’idée était alors de susciter une initiative unitaire anti-impérialiste autour du droit d’asile pour Edward Snowden.

Il est évident qu’une participation la plus large et la plus unitaire de tous les militants, sur cette simple base de revendication démocratique, serait déjà un progrès radical par rapport à l’état actuel de division et de sectarisme du mouvement.

Mais dans la mesure où le rôle des marxistes-léninistes est précisément de faire avancer le niveau de conscience des masses, il serait évidemment préférable d’arriver à quelques éléments fondamentalement communs sur l’analyse de la situation actuelle de l’impérialisme.

Il n’y a évidemment aucune analogie à faire, mais il n’est pas inutile de rappeler que Mai 68 tirait une bonne partie de son origine dans les revendications démocratiques anti-impérialistes qui traversaient déjà la planète autour du conflit américano-vietnamien.

Le fait que le lien entre impérialisme et capitalisme n’ait pas clairement été établi dès le début explique en partie qu’il soit rapidement passé à un lointain arrière–plan, et que le mouvement ait pu subir un reflux aussi brutal, sans avoir eu une chance réelle de se structurer en profondeur dans le prolétariat.

Même si la situation actuelle, depuis l’effondrement du camp socialiste, est apparemment très défavorable, cette marée de signatures autour du cas Snowden vient à propos nous rappeler que la crise est profonde et mondialement perçue par le prolétariat de tous les continents.

Si demain un maillon faible du système lâche ici où là, ceux qui s’engouffreront dans ces brèches auront besoin du soutien de tous.

A court terme faire l’analyse réaliste et sans sectarisme de la situation actuelle de l’impérialisme reste une tâche urgente, qui devrait alimenter un débat sérieux et argumenté entre les blogs, d’où pourrait sortir une synergie d’intervention unitaire.

Cela sonne un peu comme des vœux tardifs, mais comme il n’est jamais trop tard pour bien faire, c’est aussi l’occasion de republier les vœux de Noël d’Edward Snowden, en manière de conclusion provisoire…

«Bonjour et Joyeux Noël

Je suis honoré d’avoir la chance de m’adresser à vous et à votre famille cette année.

Récemment, nous avons appris que nos gouvernements ont travaillé ensemble pour créer un système mondial de surveillance massive, afin de surveiller tout ce que nous faisons.

Le Britannique George Orwell nous a averti des dangers de ce genre de surveillance. Les outils utilisés dans son livre –les micros, les caméras, les télés qui nous surveillent– ne sont rien à côté de ce qui est utilisé de nos jours: nous avons des capteurs dans nos poches qui nous traquent où que nous allions.

Pensez à ce que cela signifie pour la vie privée d’une personne lambda. Un enfant né aujourd’hui grandira sans conception aucune de la vie privée. Il ne saura jamais que c’est d’avoir un moment rien qu’à lui, une pensée non enregistrée, non analysée. Et c’est un problème, parce la vie privée est importante. La vie privée est ce qui nous permet de déterminer qui nous sommes et qui nous voulons être.

La conversation qui a lieu en ce moment déterminera à quel point nous pouvons faire confiance à la technologie qui entoure et au gouvernement qui la régule.

Ensemble nous pouvons trouver un meilleur équilibre, mettre fin à la surveillance de masse, et rappeler au gouvernement que s’il veut vraiment savoir ce que nous ressentons, demander est toujours moins cher qu’espionner.

 

A tous ceux qui me regardent, merci, et joyeux Noël.»

Edward Snowden


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